Vos histoires de mer 15

'idée est de raconter une histoire, étonnante, surprenante, drôle, qui vous est arrivée en navigation ou en escale.
Les règles : Gentillesse, tolérance, bon enfant, retour sur les histoires racontées.
Pas de nouvelle histoire avant la fin de la discussion sur l'histoire en cours.
Prenez votre temps, on risque d'être plus longtemps que prévu derrière nos écrans.
Suite de www.hisse-et-oh.com[...]-mer-14

L'équipage
17 juin 2025
18 juin 202518 juin 2025

Une petite histoire à faire réfléchir les marins pêcheurs.

Nous sommes maintenant depuis 3 mois à naviguer en Colombie Britannique. Entre l’île de Vancouver et le continent canadien au milieu des centaines d’îles plus sauvages les unes que les autres. On navigue dans des vallées glaciaires, toujours vent portant, puisque le vent est dans le sens de la vallée et comme on a bien le temps, il suffit d’attendre qu’il soit bien orienté pour avancer tranquillement sous génois seul.

L’environnement est superbe. On passe entre les Drus et les Grandes Jorasses. Les montagnes sont toujours toutes blanches de neige, les sapins verts et le ciel bleu.

Les baies sont nombreuses, parfaitement protégées de tous les vents et on peut mouiller ou on veut dès que les fonds le permettent. Beaucoup de quais publics sont implantés un peu partout. La navigation est facile, les cartes précises et la météo agréable.
Bref, ce serait parfait.

Mais…

Mais il n’y a plus rien. Plus de vie, plus d’habitants, plus de poissons, plus d’oiseaux, plus de cétacés, peu d’ours. Les quelques villages sont déserts ou peuplés par de vieux indiens retraités, les écoles ont fermé, les quelques ports ne protègent plus que quelques bateaux de pêche à l’état d’épave, parfois gardés par un native désabusé.

On peut voir dans certains ports vides maintenant, de vieilles photos ce ce même port dans les années 70/90 remplis de centaines de chalutiers, caseyeurs, fileyeurs.

On peut trouver de vieilles cartes répertoriant les villages et quand on s’y arrête, on ne trouve que des maisons fermées, avec encore les meubles à l’intérieur. On passe devant de vieilles usines de fabrication de filets, de mise en boite de saumon, des ruines.

Ils ont tout pêché, tout.

Mais non seulement il n’y a plus de pêche, (l’état a racheté les licences quelques milliers de dollars), mais cette disparition a entraîné l’exode.

Parce que les autres activités n’étaient que complémentaires à la pêche.

Plus de coupes de bois. On devine les anciennes coupes aux couleurs différentes des arbres dans les montagne. Plus de coupes, veut dire plus de pousseurs, plus de trains de bois, plus d’habitants veut dire plus de poste, plus d’épicerie, plus d’école.

On lit encore dans les  « vieux » avis Navionics de 2000/2010 que tel mouillage est bien protégé, mais bruyant de coupes de bois. C’est fini, plus de coupe.

On trouve dans les écoles aux portes encore ouvertes (certaines ont fermé en 2008) des articles de journaux « la côte fantôme, les poissons se raréfient, les habitants s’en vont, l’école ferme ».

Mais non seulement il n’y a plus d’habitants, mais la disparition des poissons a entraîné la disparition de la faune.

Plus d’oiseaux. Quelques aigles à tête blanches tournoient dans le ciel en poussant leurs cris aigus, mais les oiseaux de mer sont très rares. De temps en temps, un phoque, une orque ou une baleine, mais on est très loin des quantité qu’on pouvait voir au Mexique. Les ours qui étaient estimés à 160 000 en 2000 ont semble-t-il vu leur nombre divisé par 2.
Les poissons n’existent plus. Pas vu la queue d’un saumon depuis 3 mois. Les lignes restent désespérément vides.

Même les fermes aquacoles ont disparu. Pourtant nombreuses et encore marquées sur nos cartes, elles n’existent plus. Sans doute ont elles été interdites pour tenter le retour des saumons sauvages ?
Mais les quelques bâtiments restants sont fermés, sans activité.

Imaginez, navigateurs méditerranéens, vous arrivez dans les îles de la mer Egée, toujours aussi belles, mais vides de tout habitant. Les villages déserts, certains en ruine, les ports vides de caïques, les boutiques fermées et plus ni poisson ni oiseau de mer….
Imaginez, les nordiques, navigant en Écosse et plus de distillerie, plus de chalutier, plus de pub et aucun kilt à la ronde, pas plus de cornemuse.

C’est comme ça ici. Un pays de rêve, une navigation plaisante et facile, des conditions parfaites.

A être des milliers à pêcher, ils ont détruit leur pays.

03 déc. 2025

C’est triste mais c’est ce qui nous attends tant que l’on sera aussi nombreux sur la planete

18 juin 2025

Incroyable qu'en seulement 15 ans , ce constat de désertification...j'y ai navigué deux saisons de 2008 à 2010...et j'avais été surpris de voir les gros trawlers américains en provenance de Seattle faire une véritable razzia sur les saumons en été dans ces eaux jusqu'en Alaska ....énorme congelos remplis ras la gueule de saumons...reste à espérer que si plus de pêche à outrance , la situation s'améliore....très belle région pour naviguer...profitez en bien...amicalement Pierre

18 juin 2025

On a un peu l'impression d'être dans la chanson des Cow boys fringants, même s'ils parlent de la Gaspésie :

18 juin 2025

Ca fait froid dans le dos...

18 juin 2025

Le problème pour le saumon est qu'il revient se reproduire là ou il est né. Si le stock a été décimé alors il n'y a plus de pontes et le saumon ne revient donc pas. L'écosystème est donc bien plus long à reconstituer qu'avec d'autres types de poissons. Il faudrait ensemencer avec des alevins éclos artificiellement sur place, mais il faut quelqu'un pour payer sans espoir de retour avant des années. d'autre part on ensemence avec quelques souches de femelles seulement. Comme ces poissons viendront se reproduire entre eux plus tard, le patrimoine génétique devient dangereusement pauvre.
C'est triste de voir cela. La gestion des quotas de pèche en Europe sont très critiqués mais finalement nous ont protégés de cette éradication halieutique

18 juin 202518 juin 2025

Je crains fort ED que ce que tu decris quant la disparition des écosystèmes, ne ressemble à ce que sera la planète dans quelques décennies.

18 juin 2025

La Baltique est un peu comme ça. Au niveau poissons je veux dire.

19 juin 2025

NB:
Entre 1 et 10 pour cent des saumons sont des explorateurs qui ne reviennent pas à leurs lieux de naissance et colonisent d'autres endroits.

19 juin 2025

Excellent article d'ED850 que l'on peut qualifier de reportage. On peut retrouver la saga du saumon pacifique, entre autre, dans le roman de James A. Michener "Alaska" aux Éditions de la Découverte. Le jusqu'au-boutisme imbécile du capitalisme le plus extrémiste appliqué à la nature. Associez ça au caractère bovin des populations importées dans ces régions (nos ancêtres européen ayant émigré) et vous aboutissez non pas à une catastrophe que l'on devine +/- réparable mais à un vide faisant le pendant au néant. Les autochtones, eux, on eu le droit de se taire et de picoler jusqu'à en perdre la raison.
J'ai eu l'occasion de descendre un petit fleuve de l'île Kodiak à l'embouchure duquel quelque industriel avait obtenu, à coup de procès fin 19eme, début 20eme, l'autorisation de prélever 100% des saumons venant se reproduire. Lors de notre visite, un siècle plus tard et à mi-saison, le dispositif de comptage avait enregistré 54 passages. Les saumons semblaient pourtant assez nombreux à l'embouchure mais semblaient réticents à poursuivre leur remontée. L'état d'assèchement du fleuve qui ne va pas aller en s'améliorant avait peut-être son importance.
Des "trains de mesures" ont été pris, gardiennage, évaluations diverses du milieu, autorisation des populations locales pour y circuler, pêche "no kill", alcool interdit etc. Mais, contrairement à nos réserves marines qui se sont rééquilibrées toutes seules, la nature dans ces régions ne semble pas pouvoir retrouver son souffle.

19 juin 202519 juin 2025

Le poste de ED me fait penser à une petite anecdote insignifiante, mais qui après réflexion ne l'est pas du tout.

Je marchais dernièrement avec ma compagne sur le sentier côtier allant de Bestré à la pointe du raz, et c'est alors que voyant un papillon voleter, je fais remarquer à celle-ci:
-regarde,y a un papillon
Cette petite remarque peut paraître anodine, et pourtant,on n'en voit de moins en moins des papillons, à tel point qu'on remarque leurs présence.

Cet effondrement de la biodiversité est une catastrophe absolue, et je crains fort que dans un avenir proche, l'essentiel des êtres vivants qui peupleront cette terre ne soit constitué que de bipèdes; c'est triste...

03 déc. 2025

Tres beau recit qui fait un peu peur
En Savoie au bord du Lac du Bourget il n’y a plus de Cygnes alors qu’il y a 20 ans on en voyaient des dizaines sur une ballade de 5 heures le long du lac
Annecy idem
Il en reste sur les bords du Rhone
Par contre des dizaines de Cormorans ont pris leur place !! Des Cormorans dans les Alpes !!!!

19 juin 202519 juin 2025

Nb:
La pointe du raz n'est pas le biotope idéal pour les papillons.
J'en ai plein chez moi.
C'est comme les mouettes, quand les papillons volent comme les mouettes en marche arrière, il y a trops de vent.
C'est un coup s finir dans la baie des trépassés

19 juin 2025

Il n'empêche que globalement il y a une diminution dramatique des insectes et de pleins d'autres espèces, c'est factuel, et le fait qu'il y ait pleins de papillons dans ton jardin ne change rien à l'affaire, il suffit de constater la propreté de nos pares brise y compris dans des zones où la vie devrait foisonnée.

19 juin 2025

Nb:
Pour les parebrises, il est a noter que le profil aérodynamique de nos voitures a bien évolué,
J'ai fait 600km hier,il y a plein d'insectes écrasés sur le bouclier, et aucune trace sur le pare-brise.

19 juin 2025

Quant à moi, je constate qu'il n'y a quasiment plus d'hirondelles dans le ciel 🥺
Une conséquence de la disparition des insectes que vous constatez🤔?

19 juin 202519 juin 2025

elles sont arrivées tard cette année, je trouve.
hier soir, ça tournait bien dans le secteur.
je me suis aussi inquiété pour le merle que j'entends depuis 15 ans (je me doute que ce n'est pas le même), mais il est bel et bien là.

mais on a des mouettes à longueur d'année, à 100 km à l'intérieur :-)

20 juin 2025

Le problème dans ce genre de sujet, c'est qu'il engendre des polémiques alors qu'il devrait servir d'exemple et faire consensus pour avoir des démarches vers une attention plus grande envers les problèmes écologiques.

Je suis persuadé que les pêcheurs de cette région se sont dit, comme se le disent beaucoup d'habitants de la terre, que la nature est résiliente, qu'elle est infinie et qu'elle s'adaptera, tout comme l'Homme.
Comme les pêcheurs bretons qui labourent les fonds marins toutes les nuits, qui râlent contre les éoliennes en cherchant toutes les fakes news et études des professeurs trucmuche, diplômé de l'université de Grisy les Plâtres étude financée par Moncento et Total et parue uniquement sur You Tube.

Ce que montre ce qui est arrivé ici, sur une côte sauvage de 1000 milles avec des milliers d'iles, c'est que la nature n'est pas résiliente. Toute agression se paye.

Il faut vraiment imaginer comment c'est.

C'est un peu si en quelques années, la Bretagne n'avait plus de poisson ni crustacés (Ici, les bivalves sont interdits à la consommation, car toxiques). Imaginez Le Guilvinec, Loctudy, Audierne etc... sans chalutier.

Les études (sérieuses) ici.radio-canada.ca[...]rapport , ou www.dfo-mpo.gc.ca[...]ra.html , attribuent la disparition autant à la surpêche qu'au réchauffement climatique.

Les mesures prises sont drastiques. Interdiction de la pêche, fermeture de tous les sites d'aquaculture, arrêt des coupes de bois.

Pour l'instant, il n'y a pas de remplacement par le tourisme. Sur Marine Traffic, on peut compter à peu près 200 bateaux (yachts) sur les 1000 milles de côte, et les paquebots passent direct entre Vancouver et Ketchikan ou Junau.

Je pense que ce qu'il s'est passé et se passe ici devrait vraiment servir d'exemple. En ne croyant pas les alarmes scientifiques, ils ont mené leur pays à la perte et ont dû s'exiler.

22 juin 2025

Histoire similaire sur les fameux banc de Terre Neuve.
La surpèche des gros reproducteurs à également conduit à la disparition des populations de morues.
J’ai cru comprendre que la niche écologique est aujourd’hui occupée par d’autres espèces.
On avance , on avance…

27 juin 202527 juin 2025

J’ai déjà raconté dans un texte fleuve (Tonga Soa Toamasina), notre arrivée à Madagascar en route pour un tour du monde d’ouest en est. Cet arrêt « caisse de bord » qui ne devait durer qu’un an, s’est transformé en un piège dans le fameux port autonome de Tamatave.

J’y ai perdu mes illusions, beaucoup de mon énergie, et de justesse le bateau, fruit de dix ans de travail et d’économies. Je ne dois sa sauvegarde des griffes des autorités portuaires corrompues, après deux ans de vaines batailles, qu’à un coup de maitre digne des échecs. Une ruse qui a berné ces requins, pourtant rompus aux magouilles les plus diverses.

J’ai pu me sauver avec le bateau au « prix » d’une condamnation à mort reçue dès le lendemain par téléphone, si je remettais les pieds un jour dans la ville, pour leur avoir « mis profond », ce que eux font quotidiennement aux gens qu’ils volent et qu’ils spolient de leurs biens. Le manque à gagner pour ces ordures était de l’ordre de 100 000 euros, que je n’avais pas, et qui dépassaient la valeur commerciale du bateau. Bateau naturellement invendable pour deux raisons : Madagascar n’est pas le meilleur pays au monde pour vendre un voilier de voyage (je reste soft en disant cela) et j’avais de toutes façons interdiction de le mettre à l’eau et encore moins de quitter le port.

Pour finir ce résumé, j’avoue avoir été aussi un peu voyou… car j’ai réussi à vendre le bateau posé à terre, dans la décharge des vieilles bouées et corps morts de la passe, sans que l’acheteur providentiel ne sache quoi que ce soit de mes déboires et de l’interdiction du bateau de quitter le port.

Ce n’est qu’une heure après avoir quitté le port, moteur toujours à fond et les mains encore un peu tremblantes que j’ai enfin eu me courage de répondre à l’étonnement de David, qui ne comprenait pas pourquoi je restais moteur à fond à 7 nœuds, les mains crispées sur la barre, en me retournant toutes les deux minutes pour scruter aux jumelles l’entrée du port.

Faute de gasoil pour remplir le réservoir de l’épave de ferraille pourrie de rouille qui sert de bateau de police portuaire, ils ne nous ont pas coursé. Nous auraient-ils rattrapés si le moteur avait démarré ? J’en doute. Nous avions 5 milles d’avance lorsqu’ils se sont rendu compte que j’avais mis à l’eau et que je fuyais vers le nord. Le poussif sabot pas caréné depuis des dizaines d’années ne nous aurait probablement pas rattrapé.

C’est la suite de cette histoire que je vais raconter maintenant. Sans doute en deux fois, car elle s’étale sur plus d’un an.

Après plusieurs heures de moteur vers le nord de Madagascar, je décide de mouiller sous le vent d’une petite île déserte. Il faut que je repose le moteur, mais surtout mes nerfs, mis à rude épreuve depuis trois jours. J’ai besoin de décompresser, de chialer un bon coup et de crier pour évacuer l’énorme pression qui est montée crescendo à fur et mesure que le plan s’exécutait et que le risque grandissait. J’ai compris que si j’avais un cerveau capable de mettre au point d’un plan digne du vol d’un tableau de maître au Louvre, je n’avais pas les nerfs qui font des gentlemans cambrioleurs (au sens où les armes sont proscrites) ce qu’ils sont !

A la réflexion, quelques semaines plus tard, j’en suis arrivé à la conclusion que c’était par faiblesse et couardise que j’avais toujours préféré être honnête depuis mon plus jeune âge. Pas par grandeur d’âme, car baiser ces salops m’a apporté une jouissance que je goûte encore quinze ans plus tard ! Il est en fait bien plus facile et reposant pour l’esprit de respecter les lois établies par les puissants. Bref, je m’égare. Ne relevez pas ce point. Ce n’est pas l’objet de ce forum. Mais tant qu’à faire, il m’est plaisant de vous livrer cette conclusion.

Donc, je me pose derrière cette île déserte, par 5 mètres d’eau. Si je parle à la première personne, alors même que je ne suis plus propriétaire du bateau, c’est que j’ai compris depuis l’avant-veille que David, qui prétendait avoir déjà possédé un voilier, est en réalité totalement novice. Niveau zéro. Absolument zéro. Il est assis dans le cockpit et il regarde mes actions avec plus que de l’étonnement : de la stupéfaction. Non, il ne suffit pas de tourner le volant et de tirer sur une ficelle pour que ça avance. Ce garçon de 25 ans est un petit rentier en vadrouille « sac à dos » autour du monde, sans date de retour en France. Il est sympa comme tout mais il ne comprend RIEN de ce qui se passe à bord. Il est aussi paumé que je le serais dans le cockpit d’un avion de ligne…

Pire, il n’intègre pas mes quelques explications élémentaires. Nous allons hisser la grand-voile. C’est un bateau de voyage qui possède 5 drisses et 2 balancines au mât avec divers retours : certains en pied de mât, d’autres dans le cockpit sous la casquette rigide. Mais il n’y a qu’une seule drisse de grand-voile, derrière le mât. Trois jours après notre fuite du port de Tamatave, David appelle toujours la drisse « ficelle ». Ce n’est pas grave en soit. Ce qui m’inquiète pour la suite, c’est que David ne trouve toujours pas la drisse de grand-voile quand nous la hissons le matin du quatrième jour, et prend au hasard un des 5 bouts qui arrivent au balcon de mat, balancine de tangon de spi comprise. Pire, il s’énerve et me dit que mon bateau est trop compliqué.

Ce jeune garçon est tout à fait normal et je pige un truc qui ne n’avait encore jamais effleuré l’esprit, car je suis né dans une famille de cap horniers et constructeurs de bateaux, fréquentant des gens du même milieu. Je n’avais encore jamais eu à bord d’un voilier de voyage, assez technique par pas mal d’aspects, un néophyte absolu. C’est trop compliqué et surtout trop en même temps pour lui.

Ma plus grande inquiétude, quatre jours après notre fuite reste néanmoins les représailles que j’imagine assez probables de la part des crapules du port de Tamatave. Je prends leurs menaces au sérieux. Pas celles de mort, que je sais être une façon de me dire que je vais devoir payer espèces sonnantes et trébuchantes ma ruse. Je crains la saisie du bateau et notre mise en prison immédiate au premier port d’escale. J’en ai appris assez sur ce pays depuis que j’y travaille pour savoir que la mise en prison se fait par n’importe quel fonctionnaire ou militaire sur un simple coup de fil, sans chef d’inculpation et que l’ambassade de France est très frileuse à sortir de derrière les barreaux les ressortissants français aux prises avec les autorités malgaches. Le séjour dans des prisons parmi les plus infectes au monde dure jusqu’à ce que l’on paye très-très cher sa sortie. La libération est alors immédiate, en général accompagnée d’une expulsion du territoire accompagnée d’une interdiction de retour d’au moins dix ans.

Ainsi, je fais durer notre séjour en mer au large des côtes est de Madagascar. Nous devons rejoindre l’île de Sainte-Marie, où David a décidé de se poser pour prendre le bateau en main, et d’où je pourrai reprendre l’avion pour la capitale, Tananarive. La distance n’est que de 70 milles depuis Tamatave. Mais nous mettons cinq jours ! Je prétexte les vents très faibles en ce mois d’octobre, et mon désir d’en apprendre le maximum à David. J’admets ne pas avoir été de la plus grande honnêteté intellectuelle sur ce coup. David, passé un peu à côté des subtilités du plan, et surtout des risques encourus, ne sait pas qu’on pourrait bien se retrouver derrières les barreaux pour plusieurs mois dès que nous toucherons terre.

Je choisi d’arriver à l’île Sainte-Marie au levé du jour, vers 04h30. Je sais que personne ne sera levé à cette heure là et que nous pourrons quitter le bord et nous cacher à terre avant que les autorités (douane, police, armée, gendarmerie) ne réalisent notre présence. Je mouille le bateau à l’abri de l’îlot Madame, par 6 mètres d’eau sur fonds de vase de bonne tenue. L’îlot Madame, distant de deux cent mètres environ de l’île Sainte-Marie est maintenant relié par une digue artificielle. Ce qui est aujourd’hui une crique très bien abritée était autrefois l’entrée d’une très grande baie devenue inaccessible, où les pirates mettaient leurs navires à l’abri des vents et de la mer difficile de l’océan Indien Sud.

Je mouille cinquante mètres de chaîne. C’est trop par six mètres d’eau, et le bateau va avoir un gigantesque rayon d’évitage si les vents tournent dans cette petite crique. Mais je sais qu’aucun autre voilier n’y viendra. Et je sais surtout que David est à ce stade absolument incapable de relever le mouillage et de naviguer avec le bateau. J’assure donc le mouillage pour que mon ex-bateau puisse rester là un bon moment sans se mettre à la côte. Mon petit sac de marin est prêt depuis le milieu de la nuit. J’ai juste dit à David de que voulais prendre le vol de 06h30 pour Tananarive et que faute de billet, je voulais filer à l’aéroport au plus vite. Alors nous sautons dans l’annexe quelques secondes après que j’ai coupé les sélecteurs de batteries et fermé les vannes.

Le premier pas à terre, sur le quai en ruine de ce qui reste du port, est un immense soulagement. Il n’y a pas un chat. Nous marchons cent mètres jusqu’à la route principale, où des poussepousses sont déjà présents. L’au revoir avec David ne prend que quelques secondes et je saute dans un des poussepousses. Je ne prends pas l’avion, car il n’y en a pas aujourd’hui… Je vais me cacher chez un ami qui m’attend, au sud de l’île. Au besoin, si la police me cherche, il pourra me ramener discrètement sur la Grande terre distante de 30 milles avec sa vedette puissamment motorisée.

Nous n’en aurons nullement besoin. L’information de notre fuite semble ne jamais avoir été transmise par le port de Tamatave. J’achète un billet d’avion par internet et je rentre à Tananarive deux jours plus tard, en 45 minutes de vol.

Comment David, qui doit quitter Sainte-Marie avant la saison des cyclones va-t-il faire ? Il ne sait pas naviguer, pas du tout. Il n’a jamais lu une carte, jamais utilisé un GPS. Il doit faire le tour de Madagascar par le nord, soit plusieurs centaines de milles au large d’une côte quasiment sans abri, extrêmement dangereuse, mal cartographiée, et soumise à la houle et à l’alizé de sud-est de l'Indien Sud.

Après tout, c’est son problème. C’est un adulte, il a du fric, il a pris la responsabilité d’acheter un voilier de voyage dans le trou du c.l du monde sans rien y connaitre. Six mois passent sans nouvelles, puis un jour, David m’appelle et il me raconte.
Ca vaut son pensant de rigolade et nous ne sommes qu’au début de cette aventure. Je vais même remonter à bord un an plus tard.

Donc, à suivre !

P.S. si savoir ce qui n’est passé dans (presque tous) les détails à Tamatave vous titille, cherchez dans les opus précédents de « vos histoires de mer» les deux textes qui s’intitulent « Tonga Soa Toamasina ».

28 juin 2025

Je n'ai pas trouvé les textes précédents. Un français me suggérait il y a 10 ans d'amener mon voilier à Tamatave où il vivait 6 mois par an avec sa compagne malgache ... tout en reconnaissant la corruption qui y régnait !

28 juin 2025

ici, en plusieurs textes.
Je n'y ai jamais remis les pieds, mais je sais que plusieurs personnes y ont perdu leur bateau depuis (deux voiliers et un yacht)

28 juin 2025

Merci pour le lien !

27 juin 2025

Suite 1.

Six mois passent sans nouvelles puis un jour, David m’appelle : « Tu ne vas pas en revenir, j’ai réussi à amener ton bateau jusqu’à Nosy Be sans rien casser ! ». Ca m’en bouche un coin, oui, alors il me raconte.

Après notre débarquement, David prend conscience qu’il a peut être eu les yeux plus grands que le ventre. Il panique, à tel point qu’il n’ose pas retourner à bord. Chaque matin il se rend à l’extrémité du quai face au bateau, y reste un long moment, et renonce à embarquer dans l’annexe. Le rituel dure… trois mois, jusqu’à fin janvier. A cette époque, le risque cyclonique est au plus fort ou presque. Alors il se décide à monter à bord une première fois, armé d’un protocole : chaque jour, il ira sur son bateau et effectuera une action qui le rapprochera d’être en capacité d’appareiller avant qu’il ne soit trop tard.

Le premier jour, il suit les instructions que j’avais écrites, branche l’électricité et allume tout ce qui peut l’être à bord. Le deuxième, il démarre le moteur et le fait tourner 20 minutes. Le troisième, sans relever l’ancre, il hisse la grand voile.

Il faut une semaine supplémentaire pour que David se décide à remonter le mouillage au guindeau et à faire un tour au moteur et GV haute dans le canal Sainte-Marie, le grand bras de mer qui sépare l’île Sainte-Marie de Madagascar. Puis un autre jour il déroule le génois et coupe le moteur. Il tire des bords, se familiarise avec le pilote automatique et le GPS lecteur de cartes puis rentre mouiller le bateau à l’abri de l’îlot Madame.

C’est bon, il peut partir… Il avitaille pour plusieurs mois de mer en autonomie et lève l’ancre un matin du mois de février. On est en pleine saison des cyclones. Soit le vent est faible de secteur est, soit c’est un cyclone.

Le premier jour, il fait une trentaine de milles et rejoint la baie de Manompana, au nord de la spectaculaire pointe sablonneuse à Larrée. C’est une des très rares baies anticycloniques de la côte est de Madagascar. A ce titre, sa passe d’entrée était autrefois balisée. Aujourd’hui, plus aucune trace de balisage ne subsiste et le récif corallien est très mal discernable en fin d’après-midi avec le soleil de face lorsqu’on rentre dans la baie vers l’ouest. Néanmoins, David y parvient et va mouiller quelques jours tout au fond de la baie, devant un petit hôtel resto tenu par un vieux chinois.

C’est à partir de là que la navigation se complique. Sur plusieurs centaines de milles jusqu’au cap l’Ambre, qui marque l’extrémité nord de Madagascar, la côte de la grand île ne présente que quatre abris potentiels, peu sûrs et aux l’entrées dangereuses par vent fort du large :
- La baie d’Antanambe, très ouverte et mal protégée des vents du large par une langue de terre trop basse pour ralentir les bourrasques ;
- Un mouillage à l’extrémité nord-est de la vaste baie d’Antongil dans le parc national du Masoala, à l’entrée délicate entre des cailloux non cartographiés ;
- Le lagon de Vohémar à la passe d’entrée pas balisée ;
- Et enfin la grande baie fermée de Diego-Suarez où pas mal de voiliers se font fracassés en raison de la barre qui se forme à l’entrée par vent fort.

Et bien David réussi à rejoindre Diego en un mois et demi par vents faibles, tranquillement, sans qu’aucun cyclone ne balaye la zone. Puis sur les conseils des rares navigateurs de passage, il franchit le cap d’Ambre au moteur par vent nul. La chance sourit aux débutants car le cap d’Ambre est le plus souvent balayé par du force à 7 à 9, avec un cisaillement de courants arrivant des deux côtés de Madagascar et se rejoignant à cet endroit. Il en résulte une marmite infernale que vous imaginez facilement et à titre personnel, j’y ai chaviré avec ce même bateau. Un petit 120 degrés, rien de cassé à part quelques bols et l’antenne du GPS, mais quand même…

Aguerri par presque deux mois de mer, la redescente le long de l'ouest de Madagascar est une promenade de santé. Le Canal du Mozambique est protégé de la houle et du vent de l’océan Indien par une chaine de montagnes de plus de 2000 mètres d’altitude. Un régime de brises thermiques tranquilles s’établit sur une trentaine de milles de large le long de la côte. Pour compléter le tableau, les mouillages paradisiaques y sont innombrables.

David arrive donc à Nosy Be par un beau jour du mois d’avril, et c’est de là qu’il m’appelle.
A suivre…

28 juin 202528 juin 2025

Suite 2

David arrive donc à Nosy Be par un beau jour du mois d’avril, et c’est de là qu’il m’appelle. Il s’installe au mouillage organisé du Cratère, au sud de Nosy Be et profite d'Elni (le nom du bateau, que j'aurais dû citer bien plus tôt) en rayonnant sur une quarantaine de milles dans les petites îles et les baies aux mouillages magiques.

C’est à cette période que mon ami Jean-Pierre m’appelle également. L’aventure vécue une petite dizaine années auparavant avec mon vieil ami a été d’une toute autre dimension. C’est le naufrage brutal de son Maracuja 42 "Fruit de la Passion" à Mayotte lors d‘un cyclone, son renflouement puis sa reconstruction menée tambour battant. Une aventure humaine et technique intense de deux ans que j’ai racontée en deux épisodes dans l’histoire s’intitulant « l’âpre Fruit de la Passion ». Après la remise à l’eau, Jean-Pierre m’offre l’usufruit de sa magnifique unité de voyage, et je m’installe à bord dans le grand lagon de Mayotte.

Depuis, Jean-Pierre a récupéré son bateau et y vit une retraite heureuse en compagnie de son équipière. Ils sillonnent inlassablement le canal du Mozambique pour mener des recherches archéologiques sur les premiers peuplements de la Grande Île.

L’âge avançant, il doit aller en France pour subir une intervention chirurgicale incontournable, mais il ne peut envisager de laisser Fruit de la Passion seul au mouillage du cratère sans une surveillance active et surtout, sûre. Les gardiens locaux ont la réputation de rapidement retourner leur veste, en fonction des opportunités financières qui s’offrent à eux. Il est de notoriété publique qu’un gardien bien payé peut devenir du jour au lendemain le voleur à bord du bateau qu’il surveille, pourvu qu’un commanditaire lui offre une somme suffisamment alléchante pour le matériel qui se trouve à bord, moteur inbord compris ! Tous ne font pas cela, naturellement, mais Jean-Pierre connait assez bien la chanson pour préférer faire appel à une surveillance extérieure.

Il n’y a pas que cela. La remise à l’eau de Fruit de la Passion après sa rénovation date de huit ans. Certains éléments du bord nécessitent une attention particulière mais Jean-Pierre ne se sent ni les compétences ni la force dans l’état où il se trouve pour le faire. Je suis donc l’heureux élu, qui pendant tout le mois d’août vais naviguer sur son bateau mais avant cela, remettre d’aplomb tout ce qui cloche. Comme dix ans plus tôt il me donne deux cartes : une blanche et une de crédit, dont j’use avec modération ! Ce mois passé à Nosy Be est en fait une opportunité, car mon épouse n’aura pas de congés cet été. Nous ne rentrerons donc pas en Bretagne pour grenouiller dans les cailloux Normands-Bretons pour les vacances.

Je préviens naturellement David de mon arrivée à Nosy Be, ce début août. Il se trouve que les deux voiliers de voyage, Elni et Fruit de la Passion, sont voisins de mouillage. David vient me chercher en annexe au ponton d’accueil et après un saut à mon bord, m’amène sur Elni. Il est nerveux et pressé. Que ce passe-t-il ? Il craque et m’explique avant même que nous soyons à son bord. Il a très peur que je l’engueule, car il imagine que l’entretien d'Elni n’aura pas été à la hauteur de ce que j’aurais effectué moi-même. C’est assez probable et j’en serais affecté, mais je n’ai pas à le lui reprocher car ce n’est plus mon problème.

Effectivement, je constate que les voiles ne sont pas protégées par leurs tauds. Elles cuisent au soleil et ont triste allure, mais je ne dis rien. L’antidérapant de pont a vieilli également, ce qui est normal sous les tropiques. David me pousse à l’intérieur d'Elni qui sent l’huile de teck et l’encaustique. Il vient de passer deux jours à briquer les boiseries, qui sont impeccables. Il me montre enfin ce qui lui cause tant de stress : une mauvaise gestion de la charge des batteries et/ou une manipulation inappropriée a provoqué un début d’incendie dans la cabine arrière où se trouve l’installation. David, présent à bord lors du départ de feu a pu le maitriser, mais les boiseries sont partiellement brûlées. Tout fonctionne à nouveau après réparation et remplacement de toutes les batteries. Après tout, cela peut arriver à tout le monde et David, malgré son inexpérience, a fait des progrès considérables et aucune erreur de navigation qui aurait pu mener à la perte du bateau, dans une région de navigation pas si facile que cela.

Du coup, ma réticence à ce que nous partions naviguer ensemble en double-solitaire (chacun sur son bateau) s’efface. David me l’avait demandé, ce à quoi j’avais initialement répondu que les réparations sur Fruit de la Passion ne me laisseraient que peu de temps pour naviguer…

Le nécessaire fait sur Fruit de la Passion, nous partons vers le sud pour explorer les îles Radamas et la côte de la Grande île, qui possède de très beaux mouillages. David et Elni me suivent, toujours derrière, car Fruit de la Passion est plus de long de près de trois mètres à la flottaison et plus rapide. Je constate avec plaisir que David maitrise fort bien les manœuvres en solitaire et mouille son bateau dans les règles, avec une longueur de chaine adaptée. Cette navigation de deux semaines où nous partageons tous les repas et les poissons pêchés sur un bateau ou l'autre est un véritable plaisir. Je vois enfin évoluer Elni sous voiles ! C’est un bateau avec lequel j’ai parcouru des dizaines de milliers de milles sans jamais le voir d’ailleurs que du pont !

Toute bonne chose ayant une fin, je restitue Fruit de la Passion à Jean-Pierre à son retour de France et je rentre bosser à Tananarive. Trois mois s’écoulent jusqu’à un nouveau coup de fil de David, qui m’appelle de France. Sa situation personnelle a évolué défavorablement et la situation d’Elni laissé au mouillage seul à Nosy Be est préoccupante.

A suivre...

Photos :
1) Elni au mouillage à Sainte Marie, devant le quai de l'îlot Madame.
2) Elni mouille à côté de Fruit de la Passion, David à la barre.
3) Elni arrive, en face de Fruit de la Passion. Je suis déjà à l'eau pour me rafraichir.
3 et 4) A bord de Fruit de la Passion, qui trace sa route tranquillement. Nous aurons ce temps, ce vent et cette mer (habituels en cette saison) pendant toute notre navigation.

28 juin 2025

Vite, la suite ☺️

28 juin 2025

Merci Franck pour ces témoignages et... si bien rédigés. En effet on attend la suite...

28 juin 2025

Merci à vous !
Dans moins d'une heure !

28 juin 202528 juin 2025

Suite 3 et fin de l'histoire.

David m’explique au téléphone que les revenus de sa petite rente se sont taris et que son départ précipité pour la France est sans retour possible d'ici plusieurs années faute de finances. Nous sommes déjà en novembre, proches de la saison cyclonique et David s’inquiète à juste titre pour Elni. Pour autant, il n’envisage pas pour le moment de le vendre, ce qui me semble absurde dans sa situation. Devinez à qui il demande de s’occuper du bateau ?

J’oppose cette fois-ci un refus à David, car je trouve que cette histoire a assez duré. J’ai beaucoup aimé ce bateau, et je vis à ce moment comme un échec sa vente forcée à 50 % de sa valeur commerciale, alors qu’il devait être le support de notre tour du monde. Je pourrais le racheter, mais je me suis engagé financièrement dans un autre projet et j’ai de toutes façons envie de passer à autre chose.

Nous en restons là, mais je ne peux m’empêcher de passer quelques coups de fils aux copains voileux de Nosy Be. Ce que j’apprends, et que David ne sait pas, est alarmant. La nouvelle de son départ définitif s’est répandue comme une trainée de poudre. Et bien davantage que le cyclone, ce que David a à craindre est le vol pur et simple d’Elni par un des types peu recommandables, français, qui trafiquent dans le coin.

Je suis loin d’être le seul à considérer ces individus échoués à Madagascar comme des parasites de la société, aux agissements répréhensibles aussi bien avec la propriété d’autrui, qu’avec les très jeunes femmes de l’île. Malheureusement, ce sont les agissements de quelques individus de ce genre qui provoquent un jour ou l’autre une explosion de colère incontrôlable des malgaches, et qui font que des étrangers innocents se retrouvent cuits, ficelés dans des pneus enflammés à l’essence…

Que ce magnifique voilier de voyage tombe entre les mains d’un salopard qui va faire du trafic d’alcool ou de drogue avec l’Afrique m’ulcère (je vous épargne le pire du pire sur ce forum nautique…). Il m’est impossible d’ignorer le danger et curieusement dans mon esprit, Elni redevient mon bateau. Alors, sans prévenir David, je remets Elni qui ne m’appartient plus à vendre. Inutile de paniquer David, alors qu’il n’est plus en mesure de revenir à Madagascar. Et quand bien même, que ferait-il ? Je préfère lui proposer une solution à laquelle il répondra pas oui ou par non. J’aurai fait ce que j’aurai pu.

Et je trouve, très vite, en moins d’une semaine. Nosy Be est un spot intéressant pour acheter un voilier lorsqu’on est retraité à Madagascar ou résident à Mayotte, qui n’est distante que de 180 milles. Sans même me déplacer, je déniche un acheteur : un retraité français, constructeur amateur de plusieurs voiliers, financièrement viable et très intéressé. Néanmoins, à la vue de l’état extérieur d’Elni qu’il visite seul, il propose 7 000 euros de moins que ce que David me l’a acheté un an auparavant. J’estime sa proposition très correcte, d’autant qu’il accepte que ni David ni moi ne nous déplacions pour la prise en main du bateau.

Alors j’appelle David, un nœud dans le ventre. Comme je m’y attendais, l’avalanche de nouvelles, depuis le vol imminent du bateau, sinon sa perte au prochain cyclone, sa mise en vente sans son accord, provoque son incompréhension puis sa colère. La discussion au téléphone est brutale mais mon autorité l’emporte et je passe le savon de sa vie à David. D’une voix cinglante, je lui rappelle finalement les options qui se présentent à lui. Elles se résument simplement à un choix binaire : la somme que l’acheteur lui propose ou la perte de son bateau.

David s’effondre en larmes et accepte ma proposition. Mais il ne veut plus entendre parler d’Elni après avoir raccroché le téléphone et demande à ce que je m'occupe de tout, du versement de l’argent sur son compte aux papiers. Ce sera chose faite, bien entendu. David reçoit l’argent quelques jours plus tard et m’envoie des remerciements. Je n'aurai plus jamais de ses nouvelles.

De mon côté, je souhaite que ma relation avec Elni cesse définitivement, mais ce ne sera pas le cas. Pendant un an encore, j’assure une aide technique à distance. Puis un jour, vraiment lasse, je coupe définitivement les ponts, ce qui m’oblige à bloquer plusieurs interlocuteurs.

A ce jour, Elni est un des rares voiliers rescapés du cyclone dévastateur qui s'est abattu sur Mayotte l'année dernière. Même si j'ai tourné la page, la vue de quelques photos d'Elni posé indemne sur le quai du club nautique de Mayotte m'a comblé d'aise.

Fin de l'histoire... enfin j'espère !

28 juin 2025

ELNI est-il un Ne Quid Nimis ?

29 juin 2025

Yes, custom. Pont modifié et aménagé aux chantiers Amel, avec les éléments d'aménagement du Sharki.
Une unité unique et splendide.
Plus lourde que les autres, car renforcée de toute part et avec plusieurs crash box.
Et des boiseries Amel pas des plus légères.
Néanmoins, excellent en mer, car cette coque aime la charge. Raide à la toile et puissant. Bien équilibré.

29 juin 2025

Ton histoire avec les autorités me fait penser à notre arrivée et départ de Misima, en Papouasie New Guinée.
On arrivait de Vanikoro ou les habitants et le mode de vie n’avaient pas du beaucoup changer depuis l’époque ou La Perouse y avait perdu ses bateaux l’Astrolabe et La Boussole.
L’entrée de Misima, devant laquelle on s’était présenté avec un bon alizé de 25/30 kn juste après le coucher du soleil n’était pas évidente. D’un coté la falaise, de l’autre le récif et une passe de 50m de large. Le problème est que je n’avais pour y rentrer qu’un vieux dessin et pas de carte. Il y avait bien un feu, théoriquement, mais je ne savais pas si ce feu était coté falaise ou coté récif. Enfin, passer 12h à capeyer dehors dans 3m de creux et 30 kn de vent n’était pas une perspective réjouissante et donc, sous génois réduit seul je m’approchais de la passe en scrutant aux jumelles le moindre indice.
Je ne me suis pas trompé et on a passé une bonne nuit dans ce port paisible.
Au matin, c’était glauque.
Le seul voilier mouillé pas très loin de nous était monté par un américain ancien du Viet Nam qui était en pleine crise de palu et de paranoïa qu’il soignait ou tentait de soigner dans le whisky.
A terre, c’était pas folichon. Misima est une ile minière. Les mineurs plus ou moins esclaves côtoient les vieux grabataires. Les bouges aux musiques boum boum et aux filles fardées s’étalent tout au long du quai.
Les cases en tôle rouillées dégoulinent sous la pluie tropicale.
C’est pas vraiment le coin rêvé.
Mais c’est un port d’entrée pour la Papouasie et comme on veut aller à Port Moresby et dans la Fly River après, autant être en règle avec les autorités.
Et donc, me voici avec mes passeports, papiers et un peu de dollars sur le quai, à chercher le bureau de la Police, Douane ou autre fonctionnaire apte à me délivrer une libre pratique et tamponner mes passeports.
Je trouvais.
Le fonctionnaire était comme sa ville. Glauque. Gros, pas rasé, odorant, dans un uniforme sale et débraillé. Ses lunettes noires, même dans son bureau ou un ventilateur anémique et lent peinait à faire partir les dizaines de mouches posées un peu partout le faisait ressembler à une caricature de dictateur africain.
Il était pourtant jovial et m’expliquât qu’il ne pouvait ici même tamponner mes passeports, mais qu’il ne pourrait le faire qu’à l’aéroport situé à plusieurs km de la ville et que mes passeports seraient prêts et à jour le lendemain matin.
J’étais bloqué
les passeports étaient dans sa main. Je n’avais plus qu’à espérer qu’il serait bien là le lendemain, qu’il ne les aurait pas vendus pour une bouteille de whisky ou donné à une des filles qui traînaient devant le poste.
Au matin, j’étais devant son bureau.
Quand il arrivait, vers 9h, il avait mes passeports et était souriant. Ça semblait bien se présenter.
Oui mais…
Pour avoir tamponner mes 2 passeports, le déplacement, l’encre, etc., c’était $100 par passeport pour me les rendre.
Bon, je m’y attendais un peu et tout souriant, j’expliquais à ce ripou que je n’avais bien sur pas cette somme avec moi ici, mais que s’il voulait bien prendre son canot et me suivre à bord, non seulement je lui donnerai cette somme, mais je ne manquerai pas de lui offrir une bonne bouteille pour le remercier de sa diligence.
Quand j’arrivais au bateau, quelques minutes avant lui qui me suivait dans son canot à rame, j’expliquais la manœuvre à ma femme et ma grande fille.
Et j’allais accueillir mon policier.
L’installait dans le carré.
Ma femme démarrait le moteur
Ma grande fille commençait à remonter l’ancre.
Je libérais notre chien Tom, gros berger allemand au grondement lionesque et qui surtout pouvait produire ce grondement à volonté.
« Tu poses les passeports ou je lâche mon chien »
Le gars avait sauté dans son canot au moment ou la chaine arrivait en haut. On était hors du port avant qu'il ne touche terre.
Du coup, on est allés direct en Australie et on a zappé Port Moresby.

29 juin 2025

Magnifique 🤣

02 juil. 2025

Comme il paraît que ce n'est pas la taille qui compte, je vous en présente une très courte.

ED850 et moi-même avons proposé deux histoires, où nous avons été confrontés à de quelconques autorités, légales ou non, au fort pouvoir de nuisance.

Il en résulte, même quand l'issue est favorable, un fort coup de stress, qu'il faut évacuer d'une façon ou d'une autre.

Moi, je bois un bon coup de bière fraiche, en gueulant et en rotant de façon sonore. Ça me libère.

Mon copain R. a navigué 10 ans avec sa jeune et très jolie épouse entre les Philippines, la Papouasie nouvelle-Guinée, la Thaïlande, etc. Une vaste zone où la rencontre avec des pirates est très probable sur une si longue durée.

Le couple y a malheureusement eu le droit plusieurs fois, avec une trouille et un coup de stress que je n'ose imaginer.
Ils s'en sont sortis, grace à l'expérience de mon pote, et sans doute à beaucoup de chance.

Mais ensuite, R. me dit avoir eu à chaque fois, une irrépressible envie de bai.er !
Réflexe physiologique incontrôlable.

Heureusement pour ses nerfs, Madame a toujours su faire face à l'urgence !

02 juil. 2025

Merci beaucoup pour vos histoires. Je note que Frank35 a certains moments de son récit se culpabilise d'appliquer des règles de survie qui sont applicable dès qu'on sort de nos "bulles" (Europe) et même ces "bulles" peu être mises à mal du jour au lendemain si une situation dans laquelle on se trouve croise l'agenda de carrière d'un fonctionnaire x ou y. Il n'y a aucune culpabilité à avoir, c'est juste une trajectoire de vie qui nous met en contact avec la vie qu'une toute grande majorité des habitants de cette terre connaissent et qu'il nous faut apprendre en cours accélérés à certains moments de notre vie. Merci encore pour ces histoires. Elles forment ensemble un aspect de HEO qui est exceptionnel.

04 sept. 202504 sept. 2025

Les Coast Guards de Guernesey.

Bordeaux Harbour est un mouillage d’échouage de Guernesey principalement estival en raison de sa protection limitée par forts vents de secteur nord à est. Il est exclusivement occupé par des barques de pêches, ainsi que trois petits caseyeurs professionnels de 7 ou 8 mètres.

L’anse est une étendue de sable doux et plat. Cependant, son entrée par l’est est entravée par de très nombreux rochers, balayés par le fort courant du petit Russel. Seule une roche émergée peinte en blanc et un piquet en inox peu visible sur la digue submersible permettent de repérer l’entrée étroite de Bordeaux Harbour.

Comme nous y arrivons depuis Aurigny et que l’heure de départ nous a été imposée par le délicat passage du Swinge, le chenal Nord d’Aurigny, la marée est au début du flot à Guernesey, et il n’y a pas d’eau dans le port. Néanmoins, une cale extérieure à la digue permet aux bateaux de tirant d’eau réduit de venir accoster.

Il y a tout juste un mètre d’eau au plus bas de la cale lorsque nous arrivons et les quilles de notre Westerly frottent un peu sur le fond de roches. Comme le temps est très calme, cela ne pose aucun problème. Nous descendons les pare-battages au plus bas pour qu’ils ne passent pas au dessus du granit du plan incliné et portons deux aussières de pointe aux organeaux.

Ce type d’exercice est plaisant et suffisamment rare pour qu’il soit prétexte à faire une séance de photos tous azimuts. Comme l’eau monte pendant ce temps, je remets mon appareil photo en bandoulière et vais ajuster la pointe arrière alors que les enfants partent à l’aventure à terre dans les environs.

C’est alors que j’entends dans mon dos une voix féminine forte au ton déterminé, en haut de la cale : « Do you have a problem ? ». Je pense sur l’instant à une baigneuse étonnée de voir un voilier là où il n’en vient jamais. L’endroit est très fréquenté par les baigneuses et baigneurs guernesiais, du levé au couché du soleil. La baignade au bord de la cale, à l’abri du courant, dans une eau particulièrement cristalline doit être très agréable pour qui supporte la température de l’eau dans le nord des îles Anglo Normandes !

Puis je me retourne et ma pensée immédiate est alors : « Pas jusqu’ici mais je sens que ça ma venir… ».

Ce sont deux Coast Guards, tous vêtus de noir et armés. La « patronne » n’a vraiment pas l’air commode. C’est une femme à la corpulence imposante, approchant la soixantaine. Son subordonné, un peu en retrait, n’a rien dit jusqu’ici mais il n’a pas l’air moins déterminé ni armé.
C’est dingue… ça ne fait pas quinze minutes que nous sommes amarrés qu’ils nous sautent dessus, alors qu'ils ne visitent jamais les bateaux dans la marina de St Peter. Comment ont-ils su ? Leur passage à Bordeaux est-il un hasard ?

Une fois arrivée à ma hauteur, la cheffe repose sa question sur le même ton. « Ben non Madame, nous venons ici tous les étés et je n’ai jamais entendu ni lu que c’était interdit ». Un premier franc sourire de la dame me rassure. C’est son subordonné qui prend la parole et confirme l’accès libre, mais il s’étonne, car aucun voilier n’est jamais venu ici. Et en plus, c’est un voilier étranger. Je rétorque goguenard que si, puisque j’y viens depuis 30 ans !

Mais ce n’est pas cela qui préoccupe les Coast Guards. Ils nous ont vu arriver du large par le nord de Guernesey, or il est absolument interdit de faire escale à Guernesey sans avoir fait les formalités douanières à St Peter ! Et là ça ne passe pas.

Je réponds courtoisement que nous avons fait les formalités douanières il y a dix jours à St Peter, et qu’arrivant d’Aurigny, nous n’avons pas quitté le bailliage, donc que nous n’avons pas à les refaire. Les deux Coast Guards se montrent très étonnés que nous ayons fait cet aller retour, mais approuvent. Par contre, il me faut leur montrer la preuve de mon bon enregistrement, à savoir le double du papier jaune que j’ai déposé dans la boite de la même couleur en haut des pontons de Victoria marina.

Oui mais voilà, plus habitué à ces paperasseries « papier » avec double carbone, j’ai mis ce dernier dans la boite avec l’original de la déclaration de douane sans même m’apercevoir de son existence. Je m’en excuse auprès de la dame, mais son ton change. Sa voix se fait immédiatement plus sévère : « Êtes vous sûr de l’avoir fait… combien êtes vous à bord… mais où sont donc passés vos enfants ». En bref, une série de questions type s’enchainent, auxquelles j’apporte les réponses aussi évidentes que nécessaires.

La Cheffe décroche son téléphone, se rend à l’arrière du bateau et dicte laborieusement le nom du bateau à son interlocuteur. La réponse tarde, puis tombe : non, ce bateau étranger n’est pas enregistré. Le regard de la Coast Guard se fait peu plaisant et avec une voix cassante elle me lance : « NON, vous n’avez pas fait les démarches, vous mentez ».

A ce stade, la moutarde me monte également un peu au nez, car je trouve ce cinéma parfaitement stupide. Il débarque chaque jour sur ce petit territoire britannique à un vol de mouette de la France des milliers de touristes qui viennent dépenser leur argent en montrant leur carte d’identité, et nous en faisons partie. Alors à quoi bon nous Emm… Mais je garde mon calme et vais chercher le livre de bord dans la table à carte.

La cheffe, que ce genre de situation n’impressionne pas le moins du monde, trouve l’initiative utile et se montre coopérative. Nous ouvrons le livre de bord et je lui fais le compte rendu des 15 derniers jours de navigation, page par page : St Peter, le 02 aout ; Arrivée dans victoria marina à 13 heures ; Formalités douanières effectuées à 13h30.

Le sourire revient au visage de mon interlocutrice et je comprends à son regard que l’hypothèse du mensonge s’éloigne. Elle m’interpelle : « Avez-vous bien écrit le nom du bateau ? ». Sans attendre ma réponse, elle rappelle son interlocuteur et donne la date et l’heure du dépôt du formulaire dans la boite…

Et oui, un voilier Français correspondant à la description de la fiche s’est bien enregistré et les patronymes de l’équipage correspondent, mais l’employé qui a recopié la fiche sur ordinateur a fait des erreurs de frappe.

La Coast Guard pousse un grand cri de soulagement et s’exclame en me tapant sur l’épaule : « C’est vrai, vous l’avez fait » ! La discussion s’engage, et j’ai alors le droit à moultes félicitations : Un voilier qui ose venir dans ce genre d’endroit ! Et en plus, c’est un français !! Je leur fais ma réponse habituelle : « Si les pêcheurs y vont tous les jours, c’est qu’il y a de l’eau et que c’est possible ».

Et vue l’issue de cette interaction, je m’autorise à me foutre de leur gueule et leur demande : « Guernesey va-t-elle un jour découvrir les démarches en ligne, où allez-vous continuer longtemps à recopier sur un ordinateur des formulaires papier ?

Le subordonné piégé bafouille en riant : « Oui mais vous savez, les bateaux de Jersey ont déjà le formulaire en ligne, et pour vous les français, ce sera dans un an ou deux ».

Conclusion : quand il s’agit de gagner des (gros) sous, les règles changent beaucoup plus vite que ça dans ce paradis fiscal !

01 oct. 202501 oct. 2025

Je suis un peu déçu que ce fil coule, alors qu’il y a tant à raconter. Y’a pas besoin d’avoir 3 tours du monde dans sa musette et d’avoir fait cagne pour écrire ses aventures ! Je n’ai d’ailleurs fait ni l’un ni l’autre, me contentant de barboter près du bord.

Alors j’en raconte une qui s’est passée pas plus loin que l’île d’en face de chez moi, à 20 mètres de la plage au mois d'aout dernier.

Nous sommes allés nous "cacher" dans Longis Bay, au Sud de l'île d'Alderney. C’est le seul mouillage gratuit et convenablement protégé de cette petite île par vents de secteur nord. Il a l’avantage d’être du côté sud de l'île, ce qui rend son accès facile lorsque qu’on vient de Guernesey ou de Sark. En effet, faire le tour d’Alderney par le «Singe», impose de ne pas se louper sur les horaires de courants, au risque de se faire brasser et/ou refouler sans ménagement, avec quelques cailloux qui trainent dans les parages.

Le vent étant d'ouest lorsque nous arrivons, avec une houle à peine sensible annonçant le coup de vent du mois d'aout, je sais que nous serons abrités si nous mouillons au plus profond de la baie, côté nord-ouest, mais que la fenêtre n’est que de douze heures maximum, avant que les conditions ne nous imposent de migrer dans Bray bay, le port d'Alderney. On bougera sans doute autant au mouillage dans Bray bay que dans Longis Bay, mais on y sera en sécurité derrière l’immense digue, ce qui n'est pas le cas à Longis, lorsque les vents tournent au sud-ouest.

Nous sommes seuls, ce qui ne m’étonne pas avec un BMS annonçant le coup de vent. Tant mieux, la place est libre, tout au fond devant les deux barques de pêches embossées sur pendilles. C’est du sable plat et dur de bonne tenue. Cependant les cailloux sont tout près derrière. J’ai 40 mètres pour mouiller. Ca passe juste. La tache noire peu engageante n'est pas loin derrière, mais j’ai parfaitement confiance dans mon mouillage.

Ceux qui ont lu le texte s’intitulant « Courant, marées, et Konsort », auront compris que je suis assez joueur lorsqu’il s’agit d’aller au plus près des cailloux, mais également de faire des calculs de marée au plus juste, avec un pieds de pilote de « mouette rieuse », expression que j’emploie dans le texte cité.

On s’excite les neurones comme on peut ! Et moi, calculer ma hauteur d’eau au plus bas en prenant en compte tous les paramètres accessibles, ça m’éclate… à défaut d’éclater le bateau ! Pour être tout à fait franc, lorsque le mouillage est tranquille et les fonds non destructeurs, le pied de pilote consenti est nul. Quel pied (facile, je sais), de sentir les deux quilles lécher le fond comme je l’avais prévu, ou le bateau poser à quelques minutes près à l’heure calculée. C’est l’incertitude incompressible des données de marée du SHOM.

Dans le cas présent, à Longis, une très légère ondulation fait le tour de la pointe par réfraction et la longueur d’onde se resserre en même temps que la vitesse diminue et l’amplitude augmente. C'est la remontée des fonds qui en est la cause. J’estime l’amplitude à 5 centimètre à l’endroit où nous sommes. C’est donc avec une grande largesse que je m’accorde un pied de pilote de 10 centimètres avant de planter la pioche ! Ce n’est pas prudent, je sais, mais c’est du sable, le vent est tranquille, le fond est sain, le bateau est solide… et ça m’amuse.

Mais ce n’est pas prudent... car nous sommes arrivés à mi marée baissante, et à fur et à mesure que l’eau baisse, l’amplitude des ondulations augmente, alors qu'elles sont toujours aussi faibles quelques dizaines de mètres plus au large. Elles deviennent plus hautes, puisque la profondeur diminue, qu’elles se tassent et que l’eau n’est pas compressible. C’est le principe même des vagues de Surf : une ondulation au large, de grande vitesse, de grande longueur d’onde et de faible amplitude, devient une série de magnifiques vagues cassantes de 2 mètres à je ne sais combien de hauteur, dont la faible vitesse permet de s’y « accrocher » sans devoir pagayer à 15 nœuds allongé sur sa planche.

A bas de l'eau, j’ai le plaisir de constater que mon calcul était juste. La gaffe plantée dans le sable au bas des quilles montre qu’il reste 10 centimètres, à quelques grains de sable près. Mais les faibles ondulations lorsqu’il y avait 3 mètres d’eau sont maintenant des vagues de 15 cm au moins. Ca ne déferle pas, bien sûr, et le bateau roulerait tranquillement travers aux vagues, s’il n’était pas équipé de deux quilles bien écartées, qui s’enfoncent alternativement !

Le premier choc soulève les verres sur la table du carré alors que nous dînons. Mince alors, une vague plus haute que les autres à fait taper la quille la plus proche de la plage ? Non, ça recommence. La solution est simple, mettre le bateau dans l’axe de l’onde en portant le mouillage arrière vers le large à l’aide de l’annexe. Dix minutes après, c’est réglé, et les quilles ne touchent plus ! Néanmoins, la plaisanterie ayant ses limites, je décanille tôt le lendemain matin, avant que la situation ne se reproduise.

Pas la peine de me faire la morale ou un cours de "bonne technique d'échouage" ! Ce n'est pas l'objet de ce fil. Ici, on raconte, c'est tout ! Et en plus, j'en ai quelques milliers dans ma musette, et je sais parfaitement faire "comme il faut". Mais j'avais très envie de jouer ce coup-ci sur fond de sable. La dernière fois, ça m'a coûté une quille et un an de chantier, je sais, mais c'était sur un caillou !

Photo à Longis, deux heures avant le bas.

Il faut un petit coef pour mouiller là sans échouer !

01 oct. 2025

Exact. Sinon, je n'y serais pas allé. Je ne voulais pas prendre le risque d'échouer avec l'annonce de la dégradation, et surtout les très faibles coefs du moment, qui sont dangereux quand on pose dans ce type d'endroit.

01 oct. 2025

Magnifique ! le récit et la photo.
Tu navigues en solo ou bien ton équipage est-il toujours d'accord avec tes choix ?

01 oct. 202501 oct. 2025

Quasiment la même photo sur ce fil, nous avions échoué pour notre part, fin juillet.
Ça tape quand même au posé (selon ton étude des ondes/réfraction etc...)
Mais je suis comme toi, assez joueur (et grand amateur de cartes satellites pour ces endroits), et c'est le genre de lieu qui se mérite un peu et vaut le coup!

www.hisse-et-oh.com[...]aurigny

https://www.hisse-et-oh.com/sailing/mouillage-aurigny

Toi qui est joueur, juste à la vue des cartes et vues satellite, je m'étais posé cette question :

Et mouiller au pied de "grande folie", dans le NO de Longy, c'est une grande folie?
Si on se fie a Google maps(?!), ça semble calme malgré les forts courants a côté

pas si sûr que ce soit une bonne idée... peut-être répondre dans le fil si la réponse peut servir à d'autres ?

02 oct. 202502 oct. 2025

@Flora et yannbis
Merci pour votre retour sympathique !
Flora, nous naviguons en famille depuis 20 ans. Les enfants sont habitués, et j'ai bien peur qu'ils me fassent confiance. Quant à mon épouse, elle est résignée. Elle a parfois dit non, et j'ai obéît. Elle ne peut s'empêcher néanmoins de me demander si je sais ce que je fais. Ma réponse positive suffit.
En 20 ans, nous n'avons eu qu'une seule casse, et c'est en passant du bon côté d'une tourelle dans un chenal de Bréhat, mais trop près de celle-ci (50 mètres, néanmoins). Je n'étais pas encore équipé de lecteur de carte électronique. C'est chose faite...

Yann, oui, j'ai vu la photo de ton Maracuja, et je me suis demandé si tu y serais toujours lorsque nous y arriverions. Nous-nous croisons de près souvent (plusieurs fois en mer, j'ai reconnu ton bateau), sans s'être jamais rencontrés !
J'ai renoncé à mouiller là où tu es sur la photo, car les quilles auraient tossé au bas dans un peu moins d'un mètre d'eau.
Comme toi, je suis un grand adepte des photos satellites, qui remplacent parfois avantageusement la carte dans les zones d'estran. C'est d'ailleurs presque exclusivement comme ça que je navigue autour de Madagascar. Compter sur une carte officielle pour trouver une passe, c'est l'assurance de finir à la nage...

Tu parles sans doute de "Petite folie", au nord Est de Longis ?
Au nord Ouest, de Longis, c'est le fort Romain. C'est l'endroit le plus calme, proches des deux barques.
A petite folie, par morte eau et beau temps, je pense que le jeu en vaut la chandelle. Mais je n'y passerai pas la nuit. Juste un stop à marée basse, pour voir, déjà.
Je suis passé juste au sud du fort Houmet en quittant Longis. Le courant est brutal et il porte sur les cailloux. 20 minutes après l'étale, j'avais déjà 4-5 noeuds dans le derrière.
Donc sortir de petite folie impose d'être à l'étale ou presque pour ne pas se faire jeter vers l'Est sur les brisants.

02 oct. 2025

Merci pour le retour... je vois ! ;-)
Alors bonne chance pour la suite.

08 nov. 2025

Secoussez-moi !

Au gré de nos vagabondages, on rencontre des gens. C’est d’ailleurs un peu pour ça qu’on voyage.

Il y a les rencontres imprévues avec les « stars » : comme Jonathan (Sagar Rani) devenu voisin de ponton pendant trois jours à Agadir en février 2024, Oukiva croisé à Valle Gran Rey à l’automne 2024, Odin au mouillage à baia d’Abra. Notre voilier apparaît trois secondes dans une vidéo de Jacqueline, improbable tour-du-mondiste avec son Grinde 27 de 1973, à Porto Santo en septembre 2023.

Le fait d’être plus statique me permet de les voir passer, souvent avec amusement. Il y a tous les anonymes aussi, chacun avec son parcours de vie, les histoires d’éléments déclencheurs du grand départ et toutes ces choses que nous avons en commun. Ou pas. Certains sont moins réceptifs, parfois le courant passe moins bien et on ne peut pas être cul et chemise avec tout-le-monde.

J’avais entendu parler d’un couple de compatriotes de notre région, partis peu après nous sur un voilier pratiquement de la même taille que notre petite maison flottante.

Youtubeurs à leurs heures, ils donnaient à intervalles irréguliers des nouvelles aux copains par une chaîne plutôt confidentielle (180 abonnés, 25 vidéos en deux ans).
D’une certaine manière, je les connaissais déjà par deux ou trois vidéos et je savais que nos sillages finiraient par se croiser un jour.

Le propre de nos navigations de préretraités, c’est qu’on n’a pas véritablement de programmes ni de dates butoirs. On suit nos envies, on n’hésite pas à rester 10 ou 20 jours pour découvrir un bel endroit ni même à y revenir. On profite, on ne se stresse pas comme certains sabbatiques, on attend une météo favorable, on ne sait pas vraiment où on sera dans deux semaines et encore moins dans un mois.
Pour savoir où sont les copains par contre, on triche : la plupart ont l’AIS, ce qui permet de les suivre sur des sites comme marinetraffic ou vesselfinder.

Quand nous avons dû retourner à Quinta do Lorde pour un petit souci moteur, on a vu sur l’AIS qu’on allait enfin faire connaissance de gens qui étaient déjà des « copains de copains ».

Après une première prise de contact un peu sauvage à notre initiative vint l’invitation pour un apéro un soir à notre bord.

L’exercice peut sembler brutal, mais il a le plus souvent quelque chose de magique. On compense autant que faire se peut la brièveté des rencontres par leur profondeur. On s’expose avec une certaine impudeur, peut-être parce que sans crainte d’être jugé. On va rapidement au fond des choses et ce qu’on y découvre est rarement déplaisant.

En cinq petites heures, on avait échangé les points marquants de quatre parcours de vie. Arrivés plus ou moins à l’âge de la retraite, les chemins se font tortueux dans les rétroviseurs. Il y a eu des problèmes de santé, des accidents, des cicatrices et de nouveaux départs. Quand quatre sexagénaires commencent à discuter, le médical occupe hélas une place de choix.

Mais pas seulement. Les anciennes professions laissées à terre donnent de beaux sujets de conversation. On retricote des souvenirs de lieux fréquentés plus ou moins à la même époque, où nous avions les mêmes loisirs. C’est fou le nombre d’anciens motards parmi les voileux !

Et on se retrouve, précaires mais heureux, sur des coques noix de 11 mètres en croisière semi-hauturière autour des Canaries ou de Madère, à refaire le monde.

L’échelle n’est pas la même qu’à terre. Dire qu’on se lie d’amitié en quelques heures serait exagéré, mais copain serait pareillement faux et un peu insultant. Nos amis terriens sont des amis de 20, 30 ou 40 ans. Au port, en une petite soirée, on sent le courant passer et on ose parfois, respectueusement, parler bateaux et hommes.

J’apprends au détour de la conversation que notre nouvel ami a exercé diverses professions avant de terminer sa carrière comme capitaine sur les bateaux de la société de navigation. Là, j’ai pris une grosse secousse dans la boîte à souvenirs. Dans les années 1973 à 1977, entre 11 et 15 ans, j’allais chaque été passer mes vacances dans la petite caravane familiale au camping d’Estavayer.
J’ai fait des dizaines de voyages sur ces bateaux à passagers, la Mouette ou le Ville d’Yverdon au départ de Neuchâtel ou d’Auvernier à l’aller, et donc d’Estavayer au retour.

J’ai involontairement développé un goût pour la solitude dès l’été 1973. Après le décès de mon grand-père, mes parents ont bossé tout l’été pour préparer le déménagement, puisque nous allions habiter dans la maison de mes grands-parents. Enfin : de ma grand-mère.
Le gosse de 11 ans, jugé je ne sais pourquoi très indépendant, s’est retrouvé exilé tout seul pendant des semaines au camping plutôt que dans les pattes des parents et dans les cartons.
J’étais le roi du monde. J’avais une barque de 2,60 mètres équipée d’un hors-bord Yamaha de 3,5 CV. Rétrospectivement, on peut trouver affolant d’un môme de 11 piges reste seul pendant des jours voire des semaines. On n’avait pas de téléphones portables, juste la cabine téléphonique de camping qui permettait à coup de pièces de 50 centimes de dire tous les deux jours à maman que tout allait bien.
À 14 ans, un Tabur Yak III est venu remplacer ma petite barque, volée pendant l’hiver. Cette baignoire orange de 3,20 mètres était équipée d’un gréement, je lui dois mes premières expériences de voile.

Au début ou à la fin des vacances, certains weekends parfois, je reprenais un bateau de la LNM.
J’y avais mes habitudes. Dès que les marins avaient largué puis lové les amarres, je me glissais dans le coin arrière de ces balcons latéraux où ne traîne jamais personne. C’était ma place et forcément la meilleure, puisque les accostages aux quais suivants se faisaient tous côté gauche.

Et avant-hier soir, sans évidemment s’en douter, un navigateur rencontré parce que nous avons le même pavillon, quel détestable chauvinisme (!), vient remuer tout ça, lui qui 40 ans plus tard barrait un de ces bateaux.

Si les vents le veulent bien, sa femme et lui partiront demain en direction des Canaries.
Je pensais d’abord aller à Rabat, mais les prévisions ne nous laissaient pas de fenêtre convenable. Et une petite fuite d’eau de mer sur le coude d’échappement nous pousse à prolonger notre séjour à Madère.

Demain, on les regardera partir. Comprenne qui pourra : ce n’est pas parce qu’on n’a pas de plans qu’on va en changer…

Nous devrons rentrer en Suisse travailler en décembre. Les bateaux des copains, des amis, sont quelque part, pas loin, visibles sur L’AIS.
Il n’est pas désagréable de laisser le destin décider de nos éventuelles futures rencontres, surtout quand on peut en cinq minutes sur internet supprimer la part du hasard.

À plus tard, les amis ! Peut-être…

Quinta do Lorde (Madère)
Novembre 2025

08 nov. 2025

Oui, les rencontres et les amitiés sont une des raisons principales du plaisir de la vie en bateau. En plus, maintenant que beaucoup de nos correlegionnaires ont les mêmes habitudes, de rentrer quelques mois en Europe chaque année, ces rencontres et amitiés de voyage perdurent à terre. C'est un bonheur de recevoir des copains partis vers la Polynésie, la Nouvelle Zélande ou l'Amérique du Sud, tout autant que d'être reçu en France ou à l'autre bout de l'Europe par des nomades comme nous.
On est aussi content de pouvoir accueillir les amis qui nous ont ouvert leur porte si chaudement dans leur pays.
Les applis de suivi, noforeignland ou autres, les blogs, les groupes whatsapp etc... aident bien pour garder ces riches contacts.

08 nov. 2025

Martine et Pascal sur leur joli Comet 11 ?

13 nov. 2025

Si tu en doutais ? ;-)

03 déc. 2025

La méditerranée en mai

En mai 2023, je pars avec deux copains pour emmener le bateau en Sicile. En cette saison, il y a de belles journées, mais aussi du froid, de la pluie et du vent, c’est ce que nous avons vu sur le trajet.

Nous partons de Port Saint Louis du Rhône avec un fort mistral au portant, la mer est peu formée mais ça souffle fort, des rafales à 8 ou 9. L’un de mes équipiers est un peu inquiet, mais le bateau marche à 8 noeuds et confortablement avec juste un petit foc. C’est quand même un peu rude pour une première journée. Nous nous arrêtons à La Ciotat pour nous reposer un peu.

Le lendemain, le mistral est tombé et nous partons pour Bonifacio, d’abord un peu de moteur, puis du vent dans le nez force 7 qui nous oblige à prendre deux ris. Nous ne sommes pas amarinés et la nuit parait bien longue, nauséeuse et froide. L’arrivée à Bonifacio, la visite de la ville et le bar à vin nous remettent sur pieds.

La météo annonce deux jours de vent fort et de pluie en Corse et le temps semble meilleur en allant vers la Sicile. Aussi, nous partons rapidement cap vers les îles éoliennes. Et là, la traversée tourne à la punition !
Nous commençons par de la pluie, une mer de travers bien formée et du vent qui monte jusqu’à un bon gros 7. A tel point que je finis par affaler la grand-voile et nous marchons toujours à 7 nœuds. La nuit a été inconfortable avec des mouvements brutaux, nous avons peu dormi et beaucoup manœuvré. Pour le petit déjeuner, nous sommes un peu fatigués et cela se résume à des biscuits et une banane, on verra plus tard pour la grande cuisine. Les mouvements restent brutaux et j’ai le souvenir d’un équipier entrain de s’habiller qui s’envole et qui atterrit un mètre plus loin sur la porte de la salle de douche. Il faut se tenir tout le temps.

Dans la journée et la nuit, il pleut toujours et on ne voit le soleil que dix minutes, le vent change souvent de direction et il faut beaucoup manœuvrer. A la fin de la deuxième nuit, nous sommes vraiment fatigués, c’est raide pour un début de croisière.

Mais nous avons fait du chemin, à sept noeuds de moyenne, et nous arrivons près d’Ustica en fin d’après-midi. L’idée de nous reposer dans un port, stable et sympathique nous enchante et nous imaginons déjà la découverte des bars du port. Malheureusement, en nous rapprochant d’Ustica, nous découvrons que le port est ouvert à l’Est et que la houle résiduelle génère des creux de 80 cm à l’intérieur du port. Le port est petit et il n’y a aucun endroit abrité. Ce n’est pas prudent de s’amarrer ! Malgré les suggestions de mes équipiers, nous repartons avec à la clé une nouvelle nuit en mer.

Heureusement, elle s’avère plus confortable que les précédentes et nous arrivons vers 3 heures du matin devant Alicudi, la prochaine île éolienne. Comme il n’y a pas de port dans cette île, je mets en panne et laisse le bateau dériver en veillant d’un œil, l’autre n’est pas très ouvert. La mer est calme, il y a des étoiles, la masse noire du volcan se devine tout près, c’est finalement un moment très agréable. Quand le jour se lève, on se rapproche de l’île et là, les bouées indiquées n’ont pas été installées, pas grave nous allons mouiller. Mais l’île est un vrai cône volcanique, il y a 35 mètres de fonds à 20 mètres du bord et nous ne trouvons pas où mouiller. Il y a bien des mouillages indiqués de l’autre côté de l’île, mais cela fait un vrai détour. Donc, on repart pour la 2ème fois. Heureusement, il n’y a que 10 milles à faire pour trouver un mouillage superbe à Filicudi, au pied d’une aiguille de rocher volcanique. Le pastis y a un goût particulier et il est très apprécié.

Après ces moments un peu durs, la balade a été très facile et agréable : mouillage au port de Filicudi, qui donne vraiment l’impression d’être au bout du monde en cette saison et visite d’un village préhistorique. Puis mouillage devant Salina qui a énormément de charme et très peu de touristes en cette saison. Puis Lipari avec son port (sympa mais cher, on est en Italie), ses glaces dans des brioches et ses monuments superbes. En arrivant, nous voyons des détritus blancs flotter sur l’eau, on râle contre la pollution, avant de s’apercevoir qu’il s’agit de pierre ponce qui viennent de la carrière voisine.

Nous quittons les éoliennes, pour rejoindre Cefalu, très belle ville avec sa cathédrale, ses vieilles maisons et ses touristes, puis Palerme toujours aussi belle.
C’est la fin du convoyage et j’attends les nouveaux équipiers pour faire le tour de la Sicile. Mais ceci est une autre histoire.

03 déc. 2025

Ta manière de raconter tes rencontres donne envie de te rencontrer !

03 déc. 2025

Merci pour le partage, tres joli Cefalu en effet !

05 déc. 202505 déc. 2025

Les débuts de la pêche au gros à Madagascar dans les années 80

En escale à Oléron avec mon voilier, je tombe sur un pote qui est aussi là pour la nuit. Il est en famille, avec son oncle et ses deux filles, ils ont loué un Oceanis 311 et font le tour du Perthuis pour le week-end… On se retrouve dans un restau du port devant des moules frites et quelques bières. Je parle à mon pote, j’entame la discussion avec l’oncle, mais il est un peu sur la réserve… Au bout de deux ou trois bières il se déride un peu, et puis d’un coup, sans prévenir, il lâche à mon pote :

« Je t’ai déjà raconté l’histoire de ce mec à Madagascar qui voulait couler les pêcheurs coréens au lance-roquette ? » Et mon pote de répondre « raconte encore je me souviens plus très bien… » bien sur il a déjà entendu l’histoire cent fois et il la connait par cœur, mais il joue le jeu.

Et donc l’oncle commence son récit…

*** Partie I ***

« J’avais une flottille de bateaux de pêche à Madagascar, un business que j’avais monté dans les années 80, on faisait venir des touristes de France pour pêcher le thon, l’espadon… Ça se passait bien mais il y avait un gros bateau de pêche coréen, un peu genre navire-usine, qui venait braconner dans les eaux territoriales malgaches. Les autorités ne pouvaient rien faire, le seul bateau de leur unité de garde-côtes faisait du 3 nœuds à tout casser. Ça m’emmerdait un peu ce gros bateau qui venait foutre le bordel dans ma zone de pêche, mais je pouvais pas faire grand-chose… Et puis lors d’un diner avec les Français du coin, on discute du problème, et là un gars me propose de couler le bateau à la roquette ! C’est une discussion de fin de diner, on est un peu bourré, j’y fais pas trop gaffe, je pense que le mec déconne. Je suis quand même intrigué, le mec a une tronche à la Bob Denard, c’est peut-être sérieux… Et de fait, le lendemain matin, il revient à la charge « alors, t’as réfléchi à ma proposition ? ». Je joue un peu au con « oui mais en fait, j’ai pas de roquettes moi… ». Je m’attendais à la suite « c’est pas grave, moi j’en ai des roquettes ». Et là le gars m’emmène dans la cale de son bateau, et il y a bien une caisse de roquettes avec un lance-roquettes. « C’est facile, tu l’appelles, tu lui dis de dégager, s’il refuse on balance une roquette devant l’étrave. Tu le rappelles, s’il refuse encore on lui tire dessus. ». A vrai dire je suis pas super chaud, je préfère éviter l’escalade de la violence. Le barbouze est visiblement déçu, mais je décide plutôt d’aller insister auprès des autorités. Mauvaise idée, vu que leur bateau est trop lent, les garde-côtes réquisitionnent Clémentine, le « vaisseau amiral » de ma flotte de pêche, pour s’occuper du Coréen. Ils montent à trois garde-côtes sur Clémentine (le bateau donc), partent arraisonner le pêcheur, et lui intiment l’ordre de dégager. Le Coréen ne peut pas, son moteur est en panne (!). OK on va le remorquer et l’immobiliser, avec le bateau des garde-côtes pour le coup, qui est lent mais puissant. Les garde-côtes frappent un bout sur le Coréen, et là commence un conciliabule entre les gendarmes pour savoir qui va rester seul à bord du Corréen pour surveiller l’amarre. Vu les tronches des Coréens, aucun n’est chaud ! Grosse discussion, oui mais toi t’es le chef, c’est à toi d’y aller, non mais je dois assurer le commandement de la manœuvre… Finalement un volontaire est désigné, et on commence le remorquage. Evidemment ça se passe mal sur le Coréen, le gendarme fait des grands signes pour qu’on le rapatrie sur le remorqueur, et il faut aller le chercher en urgence. Et dès que le gendarme est transbordé, le moteur repart ! Et le coréen disparait… au moins pour quelques temps »

Pendant tout ce temps mon pote me lance des clins d’œil. Du coup je relance l’oncle « mais alors c’est quoi cette histoire de flottille, vous avez habité là-bas, comment vous avez monté ca ? »

La suite a venir...

05 déc. 202505 déc. 2025

Je pense reconnaitre deux protagonistes de cette histoire.
Des mercenaires à Nosy Be, des anciens militaires Français et anciens légionnaires, j'en ai connu aussi lorsque j'y naviguais.
Les armes, ça circulait tranquillement, et les deals plus ou moins fumeux et/ou sanglants avec les zotorités locales étaient simples à mettre en place.

J'ai également un petit lot d'histoires, que je ne sortirai de mon tiroir que lorsque j'aurais quitté définitivement la région !

06 déc. 2025

*** Partie 2 ***

L’oncle reprend et explique son histoire.

« Je m’étais associé dans une affaire de pêche au gros à Mada. Après 30 ans de communisme, le gouvernement malgache voulait s’ouvrir à l’économie de marché et au tourisme. Un de mes potes avait déjà monté un business de chasse-safari au Botswana, et Dieu sait comment, le gouvernement malgache lui avait proposé de monter la même chose à Mada. Il y était allé, mais il n’y avait rien d’exotique à chasser… des sangliers et des cerfs… la même chose qu’en Europe, aucun intérêt… Par contre il s’était dit qu’il y avait surement du poisson et qu’un business de pêche au gros ça pouvait se tenter. Il m’en avait tout de suite parlé parce qu’il connaissait rien aux bateaux et il savait que je naviguais régulièrement. En revanche aucun de nous deux ne savait pêcher. Qu’à cela ne tienne, on se rend au salon nautique de Paris et on commence à discuter avec le gars du stand de pêche au gros, vous voulez pêcher quoi ? vous savez dans quel coin ? Bien sûr on n’en sait rien, mais le gars du stand commence à être intéressé par l’histoire. Il nous propose de nous associer et d’aller faire un repérage avec nous là-bas. En plus il peut ramener un investisseur original dans l’affaire, un fan de pêche au gros : Carlos, le chanteur ! Après quelques tractations et paperasseries locales on s’envole pour Tana, Carlos en tête, puis on prend un autre petit coucou pour aller dans le nord, puis de la piste et enfin on arrive au bateau avec lequel on doit aller faire du repérage. Là, crise de nerfs de Carlos, le bateau est une épave flottante, pas du tout ce qu’il s’imaginait. Il veut rentrer tout de suite, sauf que c’est pas possible : le camion est reparti, il n’y a aucun moyen de communication, et le rendez-vous est dans une semaine de l’autre côté de l’ile. Ça s’annonce mal, l’ambiance est plutôt lourde… Mais miracle, on choppe du poisson à tout va : thon, espadon, voilier... Carlos est euphorique, et à partir de là tout s’enchaine, on achète des bateaux, on recrute des skippers pami les pêcheurs locaux, on les forme, on organise un camp de base… mais toujours avec les moyens des années 80-90 à Madagascar : pas de téléphone, uniquement la BLU du bateau, à tel point que même la banquière locale venait sur le bateau pour passer des appels BLU. Tout le monde venait d’ailleurs, chacun attendait son tour pour appeler chez lui à travers la connexion BLU au réseau téléphonique français par le standard de Saint-Lys. Il y avait des histoires, car la BLU c’est du broadcast et toute la région entendait ce qui se disait sur les ondes, je me souviens du pêcheur qui apprend à sa femme qu’il va rentrer 15 jours plus tôt à cause d’une avarie, et de sa tronche quand il comprend que sa femme est moyennement ravie… Le meilleur c’est Carlos qui appelle Mimi, sa femme. Ça commence par des tirades grandiloquentes… La mer magnifique, la nature sauvage, les étoiles... Elle : Tu vas avoir une surprise quand tu vas rentrer. Carlos : attend Mimi on est quand même à la radio là. « Allez, je te le dis : je me suis fait faire une bouche a pipe ! » »

Le business a duré 30 ans avec ce genre de moments hauts en couleur, et puis ils ont fermé. Plus très profitable, compétition, compliqué localement, tourisme sexuel… plus le même esprit… ça devenait malsain... les touristes pêchaient l’après-midi et se retrouvaient au bar le soir avec une fille sur les genoux... Ainsi va le monde.

06 déc. 202506 déc. 2025

il serait pas un peu marseillais, le tonton ?

il devrait réviser son histoire, parce que:
"Indépendance et Première République (1960-1975) (note : plutôt militaire)
État socialiste et Deuxième République (1975-1991)
La deuxième république malgache est apparentée à un État communiste
Après-socialisme et Troisième République (1991-2010)"

alors, les 30 ans de communisme après l'Indépendance de 1960, ça ne colle pas, et on n'est pas dans les années 80, mais dans les années 90

06 déc. 202506 déc. 2025

Oui c'est parce que les années communistes ça compte double ;-)

06 déc. 2025

Deux choses n'ont pas changé :
- L'épave que tu découvres après avoir réservé et payé un bateau qui doit t'emmener à la pêche pour 3 jours où une semaine !
Et ça, c'est si tu as de la chance, car encore en octobre dernier, des collègues de Tana se sont retrouvés en haut de la plage ... sans bateau !
- Le tourisme sexuel, à Nosy Be, à Tana et dans toutes les villes côtières. Une industrie, avec un taux de prévalence du HIV qui fait peur.

Ce qui a changé :
- Plus beaucoup de gros poissons. Les ressources halieutiques ont été lessivées par des "ventes" de licences de pêche.
- Des crises politiques à répétition, corruption, racket et fermeture de beaucoup de tours opérateurs. La côte ouest est un véritable cimetière d'Hotels en ruine.
- Le réseau téléphonique à peu près partout où il y a une population suffisamment dense.

Je replace ici et je développe un peu cette bonne idée lancée sur un autre fil : « les manœuvres ratées ».

J’ai toujours navigué un peu près des cailloux. Parce que c’est comme ça que je navigue : au plus près de l’estran plutôt qu’au grand large (même s’il faut bien s’y résoudre pour aller quelque part). L’idée est de poser le bateau sur le sable dans des endroits sympas, peu fréquentés et bien sûr protégés de la mer.

Et l’association des trois paramètres donne rarement un truc simple et évident avec un chenal d’accès balisé.

À Madagascar, j’ai construit un trimaran de raid capable de naviguer à la voile dans 30 centimètres d’eau, parce que les lagons les plus incroyables et le canal des Pangalanes ne sont même pas accessibles avec le mètre de tirant d’eau de mon dériveur hauturier. J’avais donc les deux bateaux à disposition.

J’ai crevé la coque du trimaran en montant sur une patate de corail pleine balle sous voiles à plus de 10 nœuds. Une autre fois, poussé par les vagues, moteur en panne, sur le récif frangeant en sortant d’une passe, avec le même résultat et une profonde blessure au pied pour mon équipier.

Mais il n’y a rien d’intéressant à raconter. Les trois coques de ce trimaran sont insubmersibles. Mieux que cela, elles sont caissonnées sur toute leur longueur en fonds de coque et remplies à 98 % du volume des caissons de pains de mousse taillés. On a dû faire 5 litres d’eau à chaque fois… on a sorti le bateau sur une plage, j’ai tartouillé d’un coup de mastique époxy (trousse d’urgence) et on a oublié.

C’est moins anecdotique lorsque ça arrive sur un bateau lourd. Le fameux dériveur de voyage, en sandwich balsa.
C’était en 2005, trois ans avant de migrer vers l’océan Indien et Madagascar. On s’engage dans un chenal étroit qui mène à un mouillage d'échouage juste à l'ouest de Ploumanac'h.

On est en vive-eau à mi jusant, donc ça baisse très vite, et il y a plus d’un nœud de courant sortant. Il reste néanmoins environ un mètre sous la quille, donc un petit quart d'heure avant de toucher le sable. C'est ce qui est prévu. Béquilles ou non, le bateau pose très bien sur son flanc (pour l'après midi).

Pour une raison qui m'échappe, je décide de faire demi-tour plutôt que d'avancer et de poser tranquillement la quille sur le sable. Sachant l’endroit étroit, je pousse la barre à fond du côté où le bateau a le plus de dégagement, mais le courant et la dérive relevée font que le bateau ne pivote pas et il se met en travers, dérape et va s'encastrer la quille sur un plateau de cailloux sans que j'ai le temps de faire marche arrière.

À la vitesse à laquelle ça baisse, le temps que je fasse le tour du pont pour évaluer la situation, le bateau se dandine travers au courant et il est trop tard pour espérer le dégager. Donc, je descends à l'eau habillé et je plonge sous l'arrière du bateau voir comment ça se présente pour l'hélice et le safran.

Je n’ai pas le souvenir que l’eau ait été froide. C’est l’été, elle est sans doute à 19 degrés dans cette région de la Manche qui brasse beaucoup d’eau. Le petit coup d’adrénaline doit faire oublier la température de l’eau.

Je constate que le safran et l'hélice ne craignent rien mais que le risque de percer la coque de mon bateau de 8 tonnes en charge est réel s'il bascule à tribord sur la pointe de roche d'â côté, ou pire à bâbord en contrebas.

J’ai déjà sauvé le bouchain de mon précédent bateau, un dériveur de 9 mètres en contreplaqué, avec une marche de descente en bois plein qui s'est écrasée sur la roche mais a sauvé le bordé. Là, je n'ai rien de significatif à glisser sous le bordé en sandwich du bateau, à part les pare battages et les coussins du carré. Les panneaux en CP sous les couchettes sont montés sur charnière, et il faudrait les arracher. C'est possible en dernier recours...

Je trouve plus simple de fixer la béquille du côté tribord où c'est encore possible. Les béquilles sont toujours prêtes sur le pont, tirants déjà réglés, lorsqu’on envisage d’aller se tanker sur le sable. Il faut alors une minute pour fixer chaque béquille une fois la semelle de quille posée. Ca reste possible parce que les pieds de béquilles sont plus hauts de 20 cm. Et le bateau reste parfaitement droit tant que la moitié de la carène est dans l’eau (volume d'eau équivalent à la masse de la coque).

Par contre sous la béquille bâbord, c'est le grand vide. Si le bateau tombe de ce côté une fois qu'il n'y aura plus d'eau (donc d'ici quelques minutes), c'en est foutu du bordé en sandwich.

Alors, mouillé pour mouillé, je porte le mouillage arrière à 20 mètres du bateau à tribord, et je frappe le câblot sur une drisse (photo 1). Pour me tranquilliser l'esprit, je construis ensuite un petit kern sous la béquille bâbord (photo 2).

C'était inutile : le mouillage repris à la drisse imprimait une forte pression sur la béquille tribord.

Photo du trimaran dans le lagon désert du cap Masoala. Le genre de mouillage "tranquille mais pas facile d'accès". Il ne faut pas se louper, ce qui a été le cas du navire planté sur le récif.(Tous les points blancs sur les rochers basaltiques sont des huitres sauvages, délicieuses).

L'aventure la plus marquante que j'ai vécue en mer.

C'était en 2008, en Nelle Calédonie. J'habitais Poindimié et mon Shellfisch était amarré à Touho. Je partais de temps en temps, plusieurs jours, naviguer seul entre le Caillou et les Loyautés.
Une nuit, j'ai pris un gros orage. J'ai passé la nuit à la barre dans l’obscurité totale, sur une mer qui m'a paru vraiment déchaînée. C'était mon premier vrai coup de vent tout seul.
Vers 5 heures du matin, le jour s'est levé, j'ai repris un peu confiance, remis un peu de toile et décidé de me mettre à l'abri pour me reposer. Le havre le plus proche était la baie de Nakéty, au nord de Thio. Une baie immense et très bien protégée par ses hautes falaises et où viennent mouiller les minéraliers attendant leur chargement de nickel, sorti de la mine de Thio.
En milieu de journée, la mer était redevenue navigable et je renvoyais les trois quart de la grand voile et un petit foc. Le ciel restait plombé, le panneau solaire ne chargeait pas et la batterie du bord s'effondra. Vers 14 heures, c'est le GPS qui s’éteignit, ce qui me compliqua sérieusement la tâche : je n'avais plus de position ni de cap à suivre, et entre moi et la baie de Nakety se dressait maintenant la barrière de corail, sur laquelle la mer déferlerait des heures encore avec toute la puissance du coup de vent. Et quelque part, la passe de Nakety, large de seulement trois cents mètres et qu’il fallait dénicher sans visibilité et sans le GPS pour me guider.
Vers 16 heures, je perçus, par dessus le fort ressac de la mer, un murmure sourd et inhabituel. Au fur et à mesure que nous avancions vers la terre, ce murmure s’amplifia pour devenir un terrible grondement : c’était la houle de la nuit qui se fracassait sur le récif corallien. Vers 17 heures, j’entrais dans la zone de turbulences. A cause des fonds marins qui remontent brutalement devant la barrière, les vagues venues de l’océan levaient monstrueusement puis déferlaient sur des centaines de mètres avant d’exploser avec une violence inouïe contre l’obstacle naturel. Par endroit, des gerbes d’eau fusaient sporadiquement et furieusement à la verticale et à plusieurs mètres de hauteur.
Sous le ciel noir, dans le souffle du vent et l’air chargé d’embruns, la mer énorme roulait, blanche d’écume. Pourtant, il me sembla que c’était là le passage, car la mer roulait mais elle n’explosait pas. Était-ce la passe ? J’avais encore le temps de virer et de repartir vers le large, je pouvais revenir plus tard, le lendemain, attendre que la mer se calme encore, même s’il fallait, pour cela, passer une nouvelle nuit en mer et peut-être essuyer un nouveau coup de vent, seul, sans lumière et sans sommeil. Pourtant là, quasiment devant moi, la passe… ou pas ? Je pris le parti de la sécurité et renonçais. La mort dans l’âme, je choquais l’écoute de grand voile, poussais la barre et virais pour repartir vers l’océan. C’est alors qu'un signal lumineux transperça le voile d’embruns : un flash qui se renouvela trois fois, puis s’éteignit. Je pensais avoir halluciné mais le flash se ralluma encore trois fois.  Et se ralluma de nouveau. Il me fallu un certain temps pour comprendre que ce flash venait de la côte et encore un peu de temps pour me convaincre qu'il ne pouvait que m'être destiné. Les yeux fixés sur ce signal lumineux, assourdi par le fracas des masses d’eau énormes qui roulaient autour de moi, dégoulinant d’eau de mer, je serrais l’écoute, tirais sur la barre et la proue s’orienta à nouveau vers les champs d’écume. Quelques instants plus tard, le voilier fit une embardée sur un rouleau, fut soulevé et projeté en avant dans l’eau bouillonnante : il était trop tard pour reculer et aucune force n’aurait pu nous ramener en arrière. A plusieurs reprises, le voilier accéléra par le travers comme s’il partait au lof puis repris sa trajectoire jusqu’à ce que, une centaine de mètres plus loin, sa coque entra dans les eaux encore tourmentées mais sûres du lagon.
Il me fallu encore une bonne heure de route pour atteindre Nakety, toujours guidé par le flash lumineux, à travers le brouillard qui descendait des montagnes et glissait sur le lagon autour de moi. Quand la brume se déchira et que l’entrée de l’anse m’apparut, le flash s’éteignit et je découvris d’où il venait : c'était un minéralier à l’ancre dans les eaux apaisées de la baie. Je lançais le HB puis montais sur le pont pour affaler. Mes voiles étaient serrées et mon ancre prête à mouiller lorsque je passais devant l’énorme minéralier, dont je lus le nom : Tango Queen. Je montais alors sur le roof et me tenant au mât, je saluais longuement de la main le marin en veille sur sa passerelle. Il avait dû me repérer sur son radar devant la passe et m’avait guidé jusqu’à l’entrée de la baie.

Photo du Tango Queen, prise le lendemain matin.

👍. Nickel (comme on dit la bas😉)

Magnifique histoire très bien racontée avec du souffle!!,

Nickel Chrome, comme on dit ici...

Escale à Basse mer au phare des Héaux de Bréhat

Phare du monde

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2022