Vos histoires de mer 15

'idée est de raconter une histoire, étonnante, surprenante, drôle, qui vous est arrivée en navigation ou en escale.
Les règles : Gentillesse, tolérance, bon enfant, retour sur les histoires racontées.
Pas de nouvelle histoire avant la fin de la discussion sur l'histoire en cours.
Prenez votre temps, on risque d'être plus longtemps que prévu derrière nos écrans.
Suite de www.hisse-et-oh.com[...]-mer-14

L'équipage
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Une petite histoire à faire réfléchir les marins pêcheurs.

Nous sommes maintenant depuis 3 mois à naviguer en Colombie Britannique. Entre l’île de Vancouver et le continent canadien au milieu des centaines d’îles plus sauvages les unes que les autres. On navigue dans des vallées glaciaires, toujours vent portant, puisque le vent est dans le sens de la vallée et comme on a bien le temps, il suffit d’attendre qu’il soit bien orienté pour avancer tranquillement sous génois seul.

L’environnement est superbe. On passe entre les Drus et les Grandes Jorasses. Les montagnes sont toujours toutes blanches de neige, les sapins verts et le ciel bleu.

Les baies sont nombreuses, parfaitement protégées de tous les vents et on peut mouiller ou on veut dès que les fonds le permettent. Beaucoup de quais publics sont implantés un peu partout. La navigation est facile, les cartes précises et la météo agréable.
Bref, ce serait parfait.

Mais…

Mais il n’y a plus rien. Plus de vie, plus d’habitants, plus de poissons, plus d’oiseaux, plus de cétacés, peu d’ours. Les quelques villages sont déserts ou peuplés par de vieux indiens retraités, les écoles ont fermé, les quelques ports ne protègent plus que quelques bateaux de pêche à l’état d’épave, parfois gardés par un native désabusé.

On peut voir dans certains ports vides maintenant, de vieilles photos ce ce même port dans les années 70/90 remplis de centaines de chalutiers, caseyeurs, fileyeurs.

On peut trouver de vieilles cartes répertoriant les villages et quand on s’y arrête, on ne trouve que des maisons fermées, avec encore les meubles à l’intérieur. On passe devant de vieilles usines de fabrication de filets, de mise en boite de saumon, des ruines.

Ils ont tout pêché, tout.

Mais non seulement il n’y a plus de pêche, (l’état a racheté les licences quelques milliers de dollars), mais cette disparition a entraîné l’exode.

Parce que les autres activités n’étaient que complémentaires à la pêche.

Plus de coupes de bois. On devine les anciennes coupes aux couleurs différentes des arbres dans les montagne. Plus de coupes, veut dire plus de pousseurs, plus de trains de bois, plus d’habitants veut dire plus de poste, plus d’épicerie, plus d’école.

On lit encore dans les  « vieux » avis Navionics de 2000/2010 que tel mouillage est bien protégé, mais bruyant de coupes de bois. C’est fini, plus de coupe.

On trouve dans les écoles aux portes encore ouvertes (certaines ont fermé en 2008) des articles de journaux « la côte fantôme, les poissons se raréfient, les habitants s’en vont, l’école ferme ».

Mais non seulement il n’y a plus d’habitants, mais la disparition des poissons a entraîné la disparition de la faune.

Plus d’oiseaux. Quelques aigles à tête blanches tournoient dans le ciel en poussant leurs cris aigus, mais les oiseaux de mer sont très rares. De temps en temps, un phoque, une orque ou une baleine, mais on est très loin des quantité qu’on pouvait voir au Mexique. Les ours qui étaient estimés à 160 000 en 2000 ont semble-t-il vu leur nombre divisé par 2.
Les poissons n’existent plus. Pas vu la queue d’un saumon depuis 3 mois. Les lignes restent désespérément vides.

Même les fermes aquacoles ont disparu. Pourtant nombreuses et encore marquées sur nos cartes, elles n’existent plus. Sans doute ont elles été interdites pour tenter le retour des saumons sauvages ?
Mais les quelques bâtiments restants sont fermés, sans activité.

Imaginez, navigateurs méditerranéens, vous arrivez dans les îles de la mer Egée, toujours aussi belles, mais vides de tout habitant. Les villages déserts, certains en ruine, les ports vides de caïques, les boutiques fermées et plus ni poisson ni oiseau de mer….
Imaginez, les nordiques, navigant en Écosse et plus de distillerie, plus de chalutier, plus de pub et aucun kilt à la ronde, pas plus de cornemuse.

C’est comme ça ici. Un pays de rêve, une navigation plaisante et facile, des conditions parfaites.

A être des milliers à pêcher, ils ont détruit leur pays.

3j

Incroyable qu'en seulement 15 ans , ce constat de désertification...j'y ai navigué deux saisons de 2008 à 2010...et j'avais été surpris de voir les gros trawlers américains en provenance de Seattle faire une véritable razzia sur les saumons en été dans ces eaux jusqu'en Alaska ....énorme congelos remplis ras la gueule de saumons...reste à espérer que si plus de pêche à outrance , la situation s'améliore....très belle région pour naviguer...profitez en bien...amicalement Pierre

On a un peu l'impression d'être dans la chanson des Cow boys fringants, même s'ils parlent de la Gaspésie :

Ca fait froid dans le dos...

2j

Le problème pour le saumon est qu'il revient se reproduire là ou il est né. Si le stock a été décimé alors il n'y a plus de pontes et le saumon ne revient donc pas. L'écosystème est donc bien plus long à reconstituer qu'avec d'autres types de poissons. Il faudrait ensemencer avec des alevins éclos artificiellement sur place, mais il faut quelqu'un pour payer sans espoir de retour avant des années. d'autre part on ensemence avec quelques souches de femelles seulement. Comme ces poissons viendront se reproduire entre eux plus tard, le patrimoine génétique devient dangereusement pauvre.
C'est triste de voir cela. La gestion des quotas de pèche en Europe sont très critiqués mais finalement nous ont protégés de cette éradication halieutique

Je crains fort ED que ce que tu decris quant la disparition des écosystèmes, ne ressemble à ce que sera la planète dans quelques décennies.

La Baltique est un peu comme ça. Au niveau poissons je veux dire.

NB:
Entre 1 et 10 pour cent des saumons sont des explorateurs qui ne reviennent pas à leurs lieux de naissance et colonisent d'autres endroits.

Excellent article d'ED850 que l'on peut qualifier de reportage. On peut retrouver la saga du saumon pacifique, entre autre, dans le roman de James A. Michener "Alaska" aux Éditions de la Découverte. Le jusqu'au-boutisme imbécile du capitalisme le plus extrémiste appliqué à la nature. Associez ça au caractère bovin des populations importées dans ces régions (nos ancêtres européen ayant émigré) et vous aboutissez non pas à une catastrophe que l'on devine +/- réparable mais à un vide faisant le pendant au néant. Les autochtones, eux, on eu le droit de se taire et de picoler jusqu'à en perdre la raison.
J'ai eu l'occasion de descendre un petit fleuve de l'île Kodiak à l'embouchure duquel quelque industriel avait obtenu, à coup de procès fin 19eme, début 20eme, l'autorisation de prélever 100% des saumons venant se reproduire. Lors de notre visite, un siècle plus tard et à mi-saison, le dispositif de comptage avait enregistré 54 passages. Les saumons semblaient pourtant assez nombreux à l'embouchure mais semblaient réticents à poursuivre leur remontée. L'état d'assèchement du fleuve qui ne va pas aller en s'améliorant avait peut-être son importance.
Des "trains de mesures" ont été pris, gardiennage, évaluations diverses du milieu, autorisation des populations locales pour y circuler, pêche "no kill", alcool interdit etc. Mais, contrairement à nos réserves marines qui se sont rééquilibrées toutes seules, la nature dans ces régions ne semble pas pouvoir retrouver son souffle.

Le poste de ED me fait penser à une petite anecdote insignifiante, mais qui après réflexion ne l'est pas du tout.

Je marchais dernièrement avec ma compagne sur le sentier côtier allant de Bestré à la pointe du raz, et c'est alors que voyant un papillon voleter, je fais remarquer à celle-ci:
-regarde,y a un papillon
Cette petite remarque peut paraître anodine, et pourtant,on n'en voit de moins en moins des papillons, à tel point qu'on remarque leurs présence.

Cet effondrement de la biodiversité est une catastrophe absolue, et je crains fort que dans un avenir proche, l'essentiel des êtres vivants qui peupleront cette terre ne soit constitué que de bipèdes; c'est triste...

1j1j

Nb:
La pointe du raz n'est pas le biotope idéal pour les papillons.
J'en ai plein chez moi.
C'est comme les mouettes, quand les papillons volent comme les mouettes en marche arrière, il y a trops de vent.
C'est un coup s finir dans la baie des trépassés

Il n'empêche que globalement il y a une diminution dramatique des insectes et de pleins d'autres espèces, c'est factuel, et le fait qu'il y ait pleins de papillons dans ton jardin ne change rien à l'affaire, il suffit de constater la propreté de nos pares brise y compris dans des zones où la vie devrait foisonnée.

Nb:
Pour les parebrises, il est a noter que le profil aérodynamique de nos voitures a bien évolué,
J'ai fait 600km hier,il y a plein d'insectes écrasés sur le bouclier, et aucune trace sur le pare-brise.

Quant à moi, je constate qu'il n'y a quasiment plus d'hirondelles dans le ciel 🥺
Une conséquence de la disparition des insectes que vous constatez🤔?

1j1j

elles sont arrivées tard cette année, je trouve.
hier soir, ça tournait bien dans le secteur.
je me suis aussi inquiété pour le merle que j'entends depuis 15 ans (je me doute que ce n'est pas le même), mais il est bel et bien là.

mais on a des mouettes à longueur d'année, à 100 km à l'intérieur :-)

Le problème dans ce genre de sujet, c'est qu'il engendre des polémiques alors qu'il devrait servir d'exemple et faire consensus pour avoir des démarches vers une attention plus grande envers les problèmes écologiques.

Je suis persuadé que les pêcheurs de cette région se sont dit, comme se le disent beaucoup d'habitants de la terre, que la nature est résiliente, qu'elle est infinie et qu'elle s'adaptera, tout comme l'Homme.
Comme les pêcheurs bretons qui labourent les fonds marins toutes les nuits, qui râlent contre les éoliennes en cherchant toutes les fakes news et études des professeurs trucmuche, diplômé de l'université de Grisy les Plâtres étude financée par Moncento et Total et parue uniquement sur You Tube.

Ce que montre ce qui est arrivé ici, sur une côte sauvage de 1000 milles avec des milliers d'iles, c'est que la nature n'est pas résiliente. Toute agression se paye.

Il faut vraiment imaginer comment c'est.

C'est un peu si en quelques années, la Bretagne n'avait plus de poisson ni crustacés (Ici, les bivalves sont interdits à la consommation, car toxiques). Imaginez Le Guilvinec, Loctudy, Audierne etc... sans chalutier.

Les études (sérieuses) ici.radio-canada.ca[...]rapport , ou www.dfo-mpo.gc.ca[...]ra.html , attribuent la disparition autant à la surpêche qu'au réchauffement climatique.

Les mesures prises sont drastiques. Interdiction de la pêche, fermeture de tous les sites d'aquaculture, arrêt des coupes de bois.

Pour l'instant, il n'y a pas de remplacement par le tourisme. Sur Marine Traffic, on peut compter à peu près 200 bateaux (yachts) sur les 1000 milles de côte, et les paquebots passent direct entre Vancouver et Ketchikan ou Junau.

Je pense que ce qu'il s'est passé et se passe ici devrait vraiment servir d'exemple. En ne croyant pas les alarmes scientifiques, ils ont mené leur pays à la perte et ont dû s'exiler.

Portland Head Light, Portland, Maine USA

Phare du monde

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Portland Head Light, Portland, Maine USA

2022